Voilà qui fait mauvais genre : le prince régnant du foot mondial a presque été poussé vendredi à un second tour pour valider son cinquième mandat d’affilée à la tête de la Fifa. Au premier tour, Sepp Blatter a obtenu 133 suffrages, contre 73 pour le prince jordanien Ali bin al-Hussein. Une majorité des deux tiers étant requise, Papy Sepp, 79 ans, n’a pas atteint les 140 voix obligatoires. Mais, grand seigneur, son adversaire s’est retiré pour éviter un humiliant second tour.
Dans la foulée, Blatter le Ve a remercié «Dieu ou Allah, quel que soit son nom» : le ci-devant président de la «Coupe du monde de la fraude», selon le terme d'un responsable du fisc américain, rempile pour quatre ans. Il a tenu bon malgré la tornade et le barouf provoqués depuis mercredi par les enquêtes américaine et suisse visant son organisation. Sa réélection prend la forme d'un pied de nez, avec message subliminal : y a peut-être de la corruption à la Fifa, mais circulez, y a rien à voir…«Je ne suis pas parfait. Mais personne n'est parfait», a-t-il glissé sous les applaudissements.
Rubis. Et le champagne peut couler, il sera payé rubis sur l'ongle : la fédération internationale a enregistré un bénéfice de 308 millions d'euros sur 2011-2014, pour un chiffre d'affaires de 5,2 milliards d'euros, selon les comptes approuvés vendredi au 65e congrès, à Zurich. L'entreprise dort sur 1,36 milliard d'euros de réserves. Certes, la justice américaine, qui poursuit quatorze personnes, dont neuf pontes ou anciens pontes de la Fifa, soutient que les manœuvres corruptives leur ont permis de ramasser au moins 150 millions de dollars sur vingt-quatre ans. Mais le big boss joue les naïfs : «On me rend responsable de la tempête», alors que «les fautifs, s'ils sont reconnus coupables, ce sont des individus, pas l'ensemble de l'organisation».
Frustrés. Jeudi, il a même pleurniché qu'il ne pouvait «pas surveiller tout le monde tout le temps». Et surtout, il pose une question : d'où vient cette tempête ? Suivez son regard. «Si le 2 décembre 2010, deux autres pays avaient été désignés organisateurs des Coupes du monde 2018 [Russie] et 2022 [Qatar], je pense qu'on n'en serait pas là aujourd'hui.» Sous-entendu : l'Angleterre, retoquée pour 2018, et les Etats-Unis, frustrés de 2022, sont à la manœuvre des attaques. A ce stade, nous étions à deux doigts de lancer un mouvement de soutien : «Je suis Sepp.» A défaut, nous lui offrons les portraits de trois de ses meilleurs éléments. A la tienne, Sepp !