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Libération
Portrait

José Hawilla habille et blanchit

José Hawilla, cet ancien journaliste est une des vedettes du Fifagate. (Photo L.Moreira. Folhapress)
publié le 29 mai 2015 à 20h16

Ce Brésilien méconnu est une des vedettes du Fifagate. José Hawilla, 71 ans, a commencé sa carrière comme journaliste, présentateur de télé dans les années 70. Puis, fort de sa proximité avec l’ancien président de la Fédération brésilienne de foot (CBF) Ricardo Teixeira, il a fondé une entreprise de marketing sportif, habilement dénommée Traffic, qui a, pendant trois décennies, négocié - et obtenu - les droits télé des compétitions majeures de football en Amérique du Sud. Son conglomérat, qui a engrangé pour 500 millions de dollars (455 millions d’euros) de revenus, notamment avec Nike et Coca-Cola, est devenu numéro 1 dans la région sur ce secteur.

Comment ? En graissant des pattes, si l’on en croit l’acte d’accusation publié mercredi par la justice américaine. Nombre de ces deals ont donné lieu à des commissions illicites et des pots-de-vin payés à divers officiels de la Fifa. José Hawilla est l’un des quatre inculpés qui a accepté d’aider la justice américaine. Le 12 décembre 2014, il a plaidé coupable de racket, blanchiment, fraude et obstruction à la justice, acceptant de payer la bagatelle de 151 millions de dollars d’amende, sur lesquels il a déjà versé 25 millions. Il est libre.

Enveloppes. Traffic, son entreprise, a démarré comme une petite boîte d'affichage publicitaire. D'abord installée à São Paulo, elle s'est étendue aux Etats-Unis, à mesure que grossissaient les enveloppes de corruption. Son dernier gros deal, en 2013 : les droits télé pour quatre éditions de la Copa America (2015, 2016, 2019 et 2023). A cette occasion, selon l'accusation, le consortium auquel Traffic appartenait, dénommé Datisa, a accepté de lâcher 110 millions de dollars de pots-de-vin, pour un contrat total de 317,5 millions avec la Conmebol, la Confédération sud-américaine de football, qui était, selon les enquêteurs, demandeuse en la matière. Sur ces 110 millions, 40 ont déjà été payés.

José Hawilla utilisait divers canaux pour blanchir l’argent, notamment des comptes en Suisse. Et son business était florissant : lors de la Copa America 2007, Traffic a engrangé 64,2 millions de dollars de chiffre d’affaires et 29,1 millions de bénéfices. Ça vaut le coup de glisser quelques enveloppes…Mais le groupe Traffic a dû se battre pour rester en tête. Une fois, il a même été grillé par un concurrent. José Hawilla, furieux, a porté plainte en Floride contre la Conmebol, et tout ce beau monde a fini par s’arranger : les trois concurrents se disputant le marché ont formé une entreprise commune, Datisa, qui a récupéré le marché.

«Sportswear». Traffic s'est également illustré en négociant le sponsoring maillot de l'équipe du Brésil pour dix ans à partir de 1996, avec une «compagnie de sportswear» non identifiée dans l'acte d'accusation. Mais il s'avère qu'à partir de cette date, les joueurs brésiliens, précédemment habillés et chaussés par Adidas, furent équipés par Nike. Le marché a été conclu à 160 millions de dollars, sur lesquels José Hawilla a touché sa part (5%), dont il a reversé quelques millions en pots-de-vin à un responsable de la fédération brésilienne.

Selon l'accusation, Nike a en outre payé à cette occasion 40 millions de dollars en «frais de marketing» à une «filiale de Traffic ayant un compte en Suisse». L'équipementier américain n'a pas réagi directement à ces informations, indiquant simplement qu'il coopérait avec les autorités. Ce contrat avait déjà fait l'objet d'une enquête parlementaire au Brésil en 2001, mais sans suite. Cette fois, l'onde de choc provoquée par la chute de maison Hawilla et l'arrestation de l'ancien président de la CBF, José Maria Marin, 83 ans, mercredi à Zurich, a conduit le ministre brésilien de la Justice à immédiatement charger la police fédérale d'enquêter sur d'éventuelles implications dans son pays. Et le Sénat, sous la férule de l'ancien attaquant Romario devenu parlementaire, va également lancer des investigations sur les contrats suspects signés par la fédé brésilienne.