Ils n'ont encore jamais passé leur mois de juillet ensemble. Les quatre grands leaders des dernières années - douze grands tours à leur actif - s'apprêtent à se disputer la victoire finale de la 102e Grande Boucle. Contador l'Espagnol, Quintana le Colombien, Froome le Britannique et Nibali l'Italien permettent à ASO d'afficher un des plateaux les plus alléchants de ces dernières années, agrémenté de jeunes Français aux dents longues.
Tous ne verront peut-être pas Paris, tant le parcours 2015 est rempli de pièges. Mais il offre de multiples occasions pour chacun d’entre eux d’exploiter ses qualités. De quoi dresser le portrait-robot du coureur idéal, et, en face, celui du Bleu rêvé.
Superman en kit, ça donne ça:
L’environnement de Froome
Avouons-le sans ambages : voir les Rosbifs de la Sky se vautrer lors de leurs premières apparitions sur le Tour avait quelque chose de réjouissant. Mais les hommes de Dave Brailsford ont su se relever, permettant même à ce hipster de Wiggins d’enlever l’édition 2012 et cet anorexique de Froome la suivante. Dotée du budget le plus élevé du peloton (près de 20 millions d’euros), Team Sky roule en Jaguar, multiplie les stages (aussi coûteux que mystérieux) en altitude et débauche les leaders d’autres formations pour en faire des équipiers. Un cocktail souvent gagnant, qui met Froome en position de récidiver cette année.
(Photo Christophe Ena. AP)
Les jambes de Quintana
Difficile de faire davantage dans le cliché : né en Colombie, où il aime d’ailleurs disparaître quelques semaines avant ses grands objectifs, physique d’oisillon (59 kg et 1,67 m), histoire personnelle quasi légendaire (le mauvais œil, la guérisseuse, le biclou pour aller à l’école), Nairo Quintana a tous les attributs pour être le pur grimpeur de l’époque, successeur dans la mythologie cycliste de Marco Pantani. Deuxième de son premier Tour de France en 2013, le coureur de la Movistar est capable de décrocher n’importe qui dans les cols les plus relevés. S’il passe sans encombres les dix premiers jours de course, le gaillard trouvera dans les Pyrénées puis les Alpes un terrain à sa mesure.
(Photo Laurent Cipriani. AP)
La polyvalence de Nibali
L’Italien a traversé quasiment toute l’édition 2014 en jaune. Où est-il allé cueillir ce maillot ? En écrasant un contre-la-montre ? En mettant le turbo lors d’une arrivée en altitude ? Même pas. C’est dans les collines du Yorkshire et sur les pavés du Nord que Vincenzo Nibali a maté la concurrence. A l’entrée du massif alpin, il comptait déjà près de quatre minutes d’avance sur son dauphin. Le coureur de la sulfureuse Astana - quatre contrôles positifs ces douze derniers mois - est un malin, capable de profiter de tous les terrains pour grappiller des secondes. Son boss, le Kazakhstanais Alexandre Vinokourov, s’y connaît en la matière. Cette année, le vent, les pavés et les descentes périlleuses seront autant d’occasions pour Nibali de briller.
(Photo Christian Hartmann. Reuters)
Le flair de Contador
L’Espagnol n’a pas triomphé sur le Tour depuis 2009. Déchu de son titre acquis l’année suivante pour l’affaire du steak au clenbutérol, il a alors enchaîné suspension pendant deux ans, puis chutes et (relative) méforme sportive. Mais à 32 ans, le leader du doux dingue Oleg Tinkov reste l’homme le plus titré du peloton. Il a écrasé le dernier Giro et sait harceler la concurrence pour parvenir à ses fins. Capable de sortir des schémas de course stéréotypés, comme en 2012 sur la Vuelta, il a dominé Nairo Quintana il y a quelques semaines sur la Route du Sud en l’attaquant… en descente.
(Photo Peter Dejong. AP)
Super Dupont en kit, ça donne ça :
Les jambes de Pinot
Troisième du Tour l’an passé, Thibaut Pinot a fêté ça en allant pêcher chez lui, en Franche-Comté, revêtu de son short du PSG. Un côté un peu branleur qui rappelle Andy Schleck, avec qui il partage la particularité d’être un diamant qui ne demande qu’à être poli. Au moins semble-t-il bosser un peu plus que le Luxembourgeois : on ne le voit plus traîner en queue de peloton ou freiner à chaque virage en descente depuis un an ou deux. Déjà parmi les meilleurs grimpeurs du monde à 25 ans, Pinot a le talent et la classe pour gagner le Tour. Ça suffit rarement.
(Photo Fabrice Coffrini. AFP)
La tête de Peraud
Improbable deuxième du Tour 2014 à 37 ans, Jean-Christophe Peraud n’a essayé de faire croire à personne qu’il allait faire aussi bien cette année. L’ingénieur (il a bossé à Areva avant de passer pro à quasi 33 ans) ne représente clairement pas l’avenir, mais c’est le prototype du coureur de grands tours : bon grimpeur, bon rouleur et une capacité à se faire mal hors du commun. L’an dernier, personne n’imaginait qu’il serait le dernier à pouvoir suivre Vincenzo Nibali dans les Alpes, même pas lui. Depuis, il ne met plus un pied devant l’autre. Mais en 2014, il n’avait pas beaucoup plus de résultats à faire valoir au départ du Tour…
(Photo Lionel Bonaventure. AFP)
L’ambition de Bardet
Gueule d’ange tendance premier de la classe - il fait des études de commerce par correspondance en parallèle de sa carrière - il avait le profil type du Français qu’on aime bien mais qui n’a pas trop le niveau. A 24 ans, l’Auvergnat a, contre toute attente, déjà mis à bas tous ces stéréotypes. Sixième du Tour l’an dernier, capable de tenir tête aux meilleurs grimpeurs, il a encore grandi d’un cran en remportant, hardi, une étape d’un très relevé Critérium du Dauphiné il y a un mois. C’est peut-être parce que personne ne pense sérieusement qu’il peut gagner le Tour qu’il a le plus de chances de le faire.
(Photo Eric Feferberg. AFP)
L’insolence de Barguil
A 23 ans, Warren Barguil découvre le Tour, mais il a déjà une réputation : celle d’être un gagneur. Très fort chez les jeunes (vainqueur du Tour de l’Avenir 2012), il s’est vite fait un nom parmi les pros en remportant deux étapes du Tour d’Espagne 2013, dont une en mouchant comme un bleu Rigoberto Uran, pas franchement le premier venu. Bonne gueule, malin et du genre à mettre la tête où d’autres ne mettraient pas l’orteil, le Breton au sourire carnassier en est encore à apprendre : 2015 ne lui a pas trop souri jusqu’ici. Mais il peut tout casser demain, sans crier gare.
(Photo Jame Reina. AFP)