Ils ont encaissé la soufflante en silence, l'air de ne pas savoir de quoi il retournait. On est quelques minutes après l'arrivée de la septième étape du Tour de France, vendredi à Fougères (Ille-et-Vilaine). L'Italien Matteo Trentin (Etixx-Quick Step) se pointe devant le bus de Bretagne-Séché et, en anglais, arrose trois membres de l'encadrement de l'équipe française. Il en veut à son collègue Florian Vachon, dossard 209, qui aurait manqué de l'envoyer dans le décor. Le trio ne moufte pas, le gars s'en va. «Bon, c'est vrai, Flo s'est un peu accroché à lui, je l'ai vu», sourit un mécano. La lutte des classes existe aussi dans le peloton. Bretagne-Séché, c'est deux coureurs (Feillu et Delaplace) dans l'échappée-condamnée-d'avance du jour, avalée à dix kilomètres de la ligne. Etixx, elle, a glané à Fougères sa troisième étape en une semaine, grâce au turbo de son sprinteur anglais Mark Cavendish.
Patrick Lefevere (prononcer «Leufeuveureu»), la peau rougie par le soleil, règne en majesté. Mains dans les poches de son bermuda, lunettes de soleil, le patron de la formation belge enchaîne les interviews, jonglant du français au flamand. Et s'en prend aux mauvaises langues qui moquaient son «Cav» vieux, usé, fatigué : «On disait que l'arrivée n'était pas pour lui, trop dure. Qu'elle convenait aux hommes forts. Mark a gagné sans discussion, il n'y a eu pas besoin de photo-finish.» Bye-bye Greipel, l'Allemand qui écrasait les sprints massifs depuis Utrecht, finalement deuxième. Pat' en remet une couche : «C'est vous qui avez fini la carrière de Cavendish avant l'heure. Tant pis pour ceux qui ne connaissent rien au cyclisme.» Tant pis aussi pour ceux qui voulaient savoir si ce succès permettrait à Cavendish de prolonger son contrat, qui expire en fin de saison : «On verra», évacue le boss.
Lefevere vit un 33e Tour «émotionnellement incroyable». Le «vieillard» a vu son coureur Tony Martin rater le maillot jaune pour quelques secondes, avant de l'empocher mardi, puis de le perdre jeudi au Havre, où l'Allemand a laissé une clavicule alors que son coéquipier Stybar s'imposait. «Ce soir, j'espère pouvoir fêter la journée sans souci et ne pas être divisé entre deux sentiments.» D'ici à la fin du Tour, Lefevere promet encore «dix victoires». C'est une blague belge.