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Tour de France : Froome sans état d’âme

Le maillot jaune britannique est resté droit dans ses bottes, malgré les critiques de Laurent Jalabert.
Christopher Froome, lors de sa victoire à La Pierre-Saint-Martin, mardi 14 juillet. (Photo Peter Dejong. AP)
publié le 16 juillet 2015 à 19h56

Il avait la vingtaine toute fraîche, les cheveux longs et un surnom d'un autre temps, le «Pantani anglais». En 1999, Jamie Burrow s'imposait au plateau de Beille (Ariège) lors de la Ronde de l'Isard, une course espoirs. La légende dit qu'il aurait établi, à cette occasion, l'ascension la plus rapide : une seconde de moins que les 43'30 réalisées par Marco Pantani en 1998.

La douzième étape de l’édition 2015, qui reliait jeudi Lannemezan au plateau de Beille, n’a pas changé la donne : victoire d’un échappé (Joaquim Rodríguez), statu quo au général, et un chrono d’un peu plus de 45 minutes pour les meilleurs. Est-ce l’effet d’une météo dantesque, qui a vu les coureurs passer de la fournaise de la plaine (plus de 38°C) aux grêlons et au froid mordant des sommets ? Ou celui d’une course anesthésiée par le Team Sky ?

Besognes. Son patron, le Britannique Chris Froome, n'a pas eu besoin de rééditer sa performance de la Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), où il avait tué la concurrence mardi. Ses équipiers se sont chargés des basses besognes. Tour à tour, Richie Porte et Geraint Thomas sont allés chercher les impudents Contador, Nibali, Quintana et Valverde : assis sur le vélo, au train, quand les autres grimpaient sur leurs pédales pendant quelques hectomètres. «On va continuer», a promis Quintana le Colombien.

Quant à Contador, il «espère que les sensations reviendront pendant la dernière semaine». La maison Sky n'est pas le tueur à gages clinique que fut l'US Postal, mais elle aime les choses bien rangées. A l'arrivée, ça donne le même résultat : une opposition muselée par de simples sous-officiers.

L'un d'entre eux peut d'ailleurs commencer à regarder plus haut. Avant les étapes alpines, la semaine prochaine, Geraint Thomas est cinquième du général, à une minute de la deuxième place. «Tout est possible», glisse Froome, qui grimpa lui-même sur le podium à Paris derrière son leader Bradley Wiggins. C'était en 2012. Niveau comportement, le Britannique n'a pas la gouaille de «Wiggo», ni l'arrogance du parrain Lance Armstrong. Pied à terre, il se tient bien. Réveillé à 6 h 30 jeudi matin par les «messieurs pipi» de l'Union cycliste internationale (UCI), Froome a tenu à rassurer son monde : «Je dors bien.» Le trentenaire exerce son magistère en père peinard plus que fouettard. Il dit avoir du «respect» pour les adversaires qu'il a identifiés (Van Garderen, Quintana, Contador), pourtant rejetés à trois minutes et plus. Et quand il pique, Froome le fait à l'arme légère.

«Couards». Sa seule perfidie, en haut du plateau de Beille, fut celle-ci : «Quintana est capable d'accélérer très violemment, mais il n'a pas l'explosivité d'un Contador quand il est en forme.» Pauvre Alberto. Le sourcil se hausse nettement, en revanche, quand on l'interroge sur le dopage. Froome le fait en des termes plus châtiés que son coéquipier Porte, qui s'en prenait mercredi aux «couards» le traitant de dopé mais qui «se chient dessus» quand il vient s'expliquer.

Mais la sortie de Froome vaut le coup. En conférence de presse, le Britannique est interrogé sur les doutes émis à l'antenne de France Télévisions par les anciens coureurs Laurent Jalabert et Cédric Vasseur : «C'est assez ironique de leur part. Beaucoup de supporteurs les regardaient comme des idoles et, maintenant, ils jettent le doute sur mes performances. C'est réellement décevant.» Explication de texte : Jalabert et Vasseur n'ont jamais été contrôlés positifs, ni avoué une quelconque triche. Mais le premier a couru pour la Once, sur laquelle les soupçons sont très aigus, tandis que le second a exercé à une période très controversée.

Après ce léger coup de sang, Froome n’a eu aucun mot pour Jamie Burrow, son compatriote toujours maître du plateau de Beille mais qui, embauché par l’US Postal de la grande époque, n’a jamais percé.