L’Argentin Eduardo Sepulveda a été mis hors-course ce samedi, sur la 14e étape du Tour de France, pour une infraction rare dans le cyclisme : le jeune leader de Bretagne-Séché Environnement est monté à bord du véhicule d’une équipe pendant plusieurs dizaines de mètres.
Les faits se sont produits dans l’avant-dernière ascension de la journée, entre Rodez et Mende, la Côte de Chabrits, à 10km de l’arrivée, lorsque Sepulveda a cassé sa chaîne. Son directeur sportif, qui ne l’a pas immédiatement repéré sur le bord de la route, s’est arrêté quelques dizaines de mètres plus haut avec un vélo de rechange. Au lieu de couvrir cette distance à pied, le coureur a eu l’idée d’embarquer à bord du véhicule d’une équipe adverse, AG2R La Mondiale.
La formation savoyarde, croyant à une crevaison du coureur, s'était arrêtée pour lui donner une roue. «A ce moment-là, il a ouvert la porte et je l'ai retrouvé sur mes genoux. Puis il a crié : 'Allez, on y va !'», raconte Franck Boudot, le mécanicien d'AG2R.
Le véhicule a alors redémarré sur quelques dizaines de mètres. Cent, selon Vincent Lavenu, le manageur de l’équipe qui se trouvait au volant. Trois cents mètres, contestent les commissaires de l’Union cycliste internationale (UCI). Ceux-ci ont signifié à Sepulveda son élimination immédiate, alors que le coureur était descendu de la voiture et s’apprêtait à reprendre l’étape sur son vélo de rechange, attendu par deux coéquipiers.
Pas d’intention de tricher ?
«C'est une négligence de sa part, il n'a pas voulu tricher», défend le manageur de Bretagne-Séché, Emmanuel Hubert, qui ajoute, «ce n'est pas dramatique, mais c'est grave pour l'équipe, car nous perdons notre leader.»
Vincent Levenu, sanctionné quant à lui de 100 francs suisses pour «image portant atteinte au cyclisme» explique que le coureur ainsi que lui-même ont agi «par réflexe». «Le coureur a eu un instant de panique, dit-il à Libération. Il a travaillé pendant un an pour faire un beau résultat dans le Tour de France, et tout à coup il voit la course s'écrouler sur un incident mécanique. Mais il n'avait pas d'intention de tricher».
Sepulveda perd donc sa 19e place au classement général, alors qu'il disputait son premier Tour de France, à 24 ans. Il reçoit par ailleurs une amende de 200 francs suisses, un montant plutôt clément, égal à d'autres sanctions constatées ce samedi, par exemple au «ravitaillement non autorisé» de Cyril Gautier (Team Europcar), dans les 20 derniers kilomètres.
Et les bidons collés ?
«Nous ne pouvons pas laisser passer ce genre d’incident, explique Guy Dobbelaere, président du jury UCI. Aujourd’hui un coureur emprunte une voiture sur 300 mètres, demain pourquoi pas sur plusieurs kilomètres ?»
«En 43 ans d'arbitrage, je n'ai jamais vu ça !», dit son collègue, Miroslav Janout. «Nous ne sanctionnons pas de gaieté de cœur, mais cette infraction, aussi incroyable qu'elle puisse paraître, est très sérieuse», ajoute Hervé Brocque, autre commissaire.
Quoique spectaculaire et intervenant dans un mauvais contexte (la suspicion que certains coureurs utilisent des vélos à moteur), la faute de Sepulveda s'apparente moins à une fraude planifiée qu'à des manœuvres constatées plusieurs fois par jour sur le Tour de France. Par exemple les «bidons collés» ou «faux dépannages», respectivement le fait de s'accrocher à un bidon tendu par le directeur sportif ou à la portière d'une voiture tandis que le mécanicien d'équipe simule une réparation sur le vélo. Une autre opération de triche consiste à s'abriter derrière un véhicule pour revenir après un problème mécanique, feint ou avéré. Peter Sagan (Tinkoff-Saxo) avait bénéficié d'une telle assistance sur la 2e étape entre Utrecht et Zélande, pourtant sans recevoir de sanction.