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Libération
Billet

Que les tifosi franciliens reposent en paix

La Ligue 2 reprend ce vendredi soir avec un derby francilien, Red Star-Créteil. Qui se jouera à Beauvais.
Au Parc des princes, en novembre 2001. (Photo AFP)
publié le 30 juillet 2015 à 19h06

La Ligue 2 reprend ce vendredi soir avec un derby francilien, Red Star-Créteil. Les premiers cités aux portes de l’élite, quel bonheur ! Un club populaire, de Seine-Saint-Denis, sans violence, sans racisme, sans excès… En fait, c’est d’un pétard mouillé que cette saison va accoucher. Non pas que le retour du Red Star m’indiffère : j’ai en sympathie presque tous les clubs franciliens. C’est juste que ce derby d’Ile-de-France aura lieu à Beauvais, en Picardie, et non dans le mythique stade Bauer. Et il en sera peut-être ainsi de tous les matchs du Red Star cette saison.

Il n’est pas question ici de désigner les fautifs. Mais le fait est là. Un club historique, qui a survécu uniquement grâce à ses plus fidèles fans, va perdre son ancrage populaire et spatial (les joueurs s’entraînent déjà à Saint-Leu-la-Forêt, dans le Val-d’Oise). Tout cela, cinq années après le plan Leproux, ancien président du Paris-SG et fossoyeur de ses gradins, qui avait entraîné l’exclusion des abonnés en tribunes populaires.

A l’heure où les dollars pleuvent sur le club phare de la capitale, le parallèle avec le Red Star peut sembler incongru. Mais les finalités sont identiques : les tribunes populaires sont sabordées, et une partie de l’identité du club avec. J’ai d’ailleurs vu cette évolution Porte de Saint-Cloud. En 2004, à 19 ans, je m’abonne au Parc, côté Auteuil et tribune G, ma carte dans le groupe des Authentiks, puis je prends mes marques au-dessus des Supras Auteuil. Six années fabuleuses dans le monde ultra, avec plusieurs déplacements en France et un amour décuplé pour mon club, ma ville et ma région.

Après le 28 février 2010 et la mort d'un supporteur dans une violente bagarre aux abords du Parc des Princes, entre affiliés d'Auteuil et de Boulogne, l'écho médiatique n'a pas donné dans la nuance, fondant coupables et victimes dans le même plan : «Ils se battent entre eux en plus», ont assené ceux qui reprochaient déjà aux habitués du Parc des Princes de fermer les yeux sur les agissements racistes d'une frange de Boulogne. Cette tempête s'est achevée par la criminalisation des associations de supporteurs, le fichage des fans du PSG, illégal selon la Cnil, et l'explosion du prix des places, le moyen le plus sûr de nettoyer les tribunes de leur frange la plus populaire, éprouvé depuis trente ans en Angleterre. Les abonnements annuels les moins chers sont aujourd'hui à 550 euros par an. Je l'ai payé 240 euros en 2010. L'époque où les associations faisaient pression pour chaque augmentation de 10 euros est révolue. Alors que le football est joué dans tous les quartiers d'Ile-de-France et à toutes les portes de Paris, les stades sont de plus en plus inaccessibles aux classes populaires. Hormis sur le terrain, puisque les joueurs en sont pour la plupart issus. Malgré tout, jamais autant de maillots du Paris-SG n'ont été portés dans la rue ou le RER. La starisation de l'équipe a porté ses fruits. Mais ces fans n'auront pas les moyens de s'abonner dans leur stade, voire de s'acheter une place. Et dans quelques heures, ce sera sur BeIn Sports, chaîne payante, que la plupart des sympathisants du Red Star devront regarder le derby. Que le peuple profite du spectacle à distance, il est mauvais payeur de toute manière.