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Libération
Récit

Florent Manaudou, une impression de déjà vite

Sur l'épreuve du 50m papillon, la star de la délégation française a commencé à marquer les esprits. Il jouera la finale lundi.
Florent Manaudou, à Kazan, ce dimanche. (Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 2 août 2015 à 18h19

«En finale du 50m papillon, ce sera la loterie», dit Florent Manaudou dans un sourire. Certains ont quand même plus de chances de décrocher le pompon, surtout lui : premier temps des séries, premier temps des demies, avec la meilleure marque de sa carrière (22''84, record de France de Frédérick Bousquet égalé), et le tabou des 23 secondes enfin brisé. Il poursuit, l'air de rien : «Pour une fois dans des championnats du monde, j'aimerais aller plus vite en finale qu'en demi-finale.» Accréditation au cou, bouteille d'eau à la main, il n'a pas pris le temps de se sécher après sa demie, filant sans un mot rejoindre l'équipe du relais dans le bassin d'entraînement mitoyen.

Il avait été plus disert ce dimanche matin : «La première course est importante pour se rassurer, et là, c'est plutôt pas mal. Mais je pensais que ça nagerait beaucoup plus vite.» Sur la fin, entre deux mouvements, il a même jeté un petit coup d'œil sur sa droite, pour voir en était l'Ukrainien Govorov et atterrir tout en douceur sur le tarmac. Quelques minutes après ce coup de semonce, dans le théâtre de la zone mixte, le Brésilien César Cielo papote avec des suiveurs de son pays. Il a failli passer d'entrée à la trappe (14des séries), il se plaint du bassin d'échauffement, où il fait trop frais. Le Brésilien est le grand rival de Manaudou sur 50m nage libre, il est recordman du monde, multimédaillé sur l'aller simple du bassin. Mais quand le nageur français passe dans son dos, on a l'impression de voir un gringalet au pied d'une montagne. Moins épais, moins grand, moins dense, moins serein, moins charismatique, tout simplement, que Manaudou. On est loin de la révélation des Jeux de Londres, en 2012, du golgoth au visage poupin.

«L’homme à abattre, l’ennemi numéro 1»

Sa trajectoire rappelle celle de Sarah Sjöström, la Suédoise qui a raflé le titre sur 100m papillon à 15 ans seulement, aux Mondiaux de Rome en 2009. En ces temps troublés de combines et combinaisons, la majorité des observateurs pensait que cette ado acnéique ne serait qu'un feu de paille de bassin. Ils se sont lourdement trompés. Ce dimanche après-midi, elle a ratiboisé le record du monde du 100m papillon en demi-finale (en 55''74), et son style puissant inspire tous les coachs étrangers, à commencer par celui de Manaudou, Romain Barnier.

Comme Sjöström, Manaudou a duré, s'est étoffé et il est désormais «l'homme à abattre, l'ennemi numéro 1», comme lui répètent avec gourmandise ses potes et coéquipiers du Cercle des nageurs de Marseille. Il l'a déjà senti, «dans le regard des bénévoles» de la Kazan Arena, fans transis de son autre rival, le local Vladimir Morozov, et qui transformeraient bien son couloir de nage en marécage. Les spectateurs l'ont autant applaudi que sifflé avant sa demi-finale. «Pas mal l'ambiance russe, franchement. J'ai hâte d'être vendredi matin, dans la chambre d'appel du 50m, en compagnie de Morozov», glisse-t-il, coquin.

«Il est facile», sourit sa sœur Laure. «Manaudou, c'est un guerrier, moi, je le mets en dernier relayeur du 4x100m, plutôt que Stravius», tonne Philippe Lucas. Mais le sosie de Michel Polnareff est coach au sein de la délégation néerlandaise, et c'est bien Stravius qui a bouclé le relais tricolore. Le guerrier Manaudou, lui, terminera son chantier sur 50m papillon lundi après-midi.