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Libération
Billet

Les Bogart et Bacall de la natation

Aux commentaires des championnats du monde de natation, Laure Manaudou et Philippe Lucas sont l'éloge paradoxal du silence.
Laure Manaudou et Philippe Lucas.
publié le 7 août 2015 à 19h36

Laure Manaudou et Philippe Lucas aux commentaires des championnats du monde de natation pour France Télévisions, c'est l'éloge paradoxal du silence. Lucas a deux vitesses. La première, à propos de tous les nageurs : «Ce sont ses premiers championnats du monde [ou ses deuxièmes, ou ses cinquièmes] donc là, il n'y a rien à dire.» La seconde : «Quand on dit ça, on a tout dit.» Dit quoi ?

A son ex-nageuse, en direct, après des images de ses titres mondiaux de 2007 : «Oh, cette année-là, ah bah ça parlait italien !» Le spectre d'un ancien petit ami transalpin s'invite en plateau. Fou rire de la nageuse, un peu gênée quand même. Le temps de se ressaisir et elle replonge pour taper un SMS sur son smartphone. L'entraîneur a un sourire béat. Lucas, hors antenne, dans l'attente d'un direct: «Tu te fais chier, Manaudou ?» Elle : «J'attends. J'ai faim.» Un technicien le recoiffe : «Ouh là, mais il me caresse, l'autre !» Son torse de culturiste moulé dans un polo aux couleurs des Pays-Bas, Lucas raconte aussi parfois ses cuites d'antan au cognac. Alexandre Boyon, commentateur à leurs côtés, demande à Manaudou comment elle a fait pour supporter la conversation de son coach pendant toutes ces années où il l'emmenait au faîte de la natation mondiale. Un titre olympique, trois titres mondiaux et sept records du monde : «J'avais la tête sous l'eau, je n'entendais pas.»

Drôle de binôme. Au fil des années, la rumeur publique a fait état de ruptures entrecoupées de rabibochages. Dans les faits, Lucas n'a plus jamais remis la main sur sa nageuse depuis son exil italien de 2007, un départ motivé par la volonté de s'entraîner le moins possible. Depuis, ces deux-là figurent un couple mythique, les Humphrey Bogart et Lauren Bacall de la natation française. Boyon, affable : «Lucas, c'est le même que sa marionnette des GuignolsC'est lui qui titille son ancienne nageuse et non l'inverse, comme s'il voulait la trouver. Mission impossible : autant essayer d'arracher un sourire à Cléopâtre le jour où elle a décidé de faire la gueule. En coulisse, Manaudou est une grande fille simple, nature, qui sait mesurer son attachement aux gens à l'aune des années passées avec eux. C'est différent à l'antenne. L'ex-nageuse y est à la fois totalement désinvolte et dominante, cette supériorité s'exprimant d'ailleurs en creux : parce qu'elle ne dit rien pendant dix minutes (sous-entendu : je suis Laure Manaudou, je peux me le permettre) ou parce qu'elle reste perpétuellement en surface dans ses commentaires (le peu que je dis va vous suffire puisque c'est moi qui parle).

Avant la prise d'antenne de l'après-midi, France Télévisions diffuse des petites vignettes de vingt secondes où Lucas évoque avec la nageuse leur vie commune passée. Lui : «Dis, tu préférais t'entraîner en crawl qu'en dos [ou c'était l'inverse, ndlr] si je me souviens bien.» Elle : «Oui, j'aimais mieux.» Star tu étais, star tu restes : l'illusionniste et la diva.