Ils ont ou approchent la trentaine et ont fait les beaux jours du football français. Ils ont décidé d’élargir leurs horizons (et leur surface financière) en rejoignant d’autres championnats européens pour y bâtir leur carrière et aujourd’hui, ils sont de retour en Ligue 1. Un monde où les effectifs sont plus restreints – en Premier League, on doit parfois faire son trou au milieu d’une cinquantaine de joueurs – et les salaires certes plus modestes qu’ailleurs, mais où ils tombent en temps et en heure, ce qui fait de l’hexagone un corps exotique dans le paysage européen. Réelle relance sportive ou seule chance de retrouver les terrains dans un contexte financièrement sécurisé : cinq cas d’école.
Mathieu Valbuena (30 ans), Lyon
A 30 ans et pour un vil prix (5 millions, du moins officiellement), «Petit Vélo» repart pour un Tour de France après une seule saison au Dynamo Moscou, où il a terminé meilleur passeur du championnat russe (11 passes décisives). Meilleur joueur sous le maillot bleu depuis 2010, ce que deux sélectionneurs ont publiquement souligné, il a tellement marqué l'Olympique de Marseille, dont il aura défendu les couleurs entre 2006 et 2014 que le club phocéen a fait retirer son numéro, le 28. «Il y a eu beaucoup de changement au Dynamo Moscou, a expliqué Valbuena mardi. Aujourd'hui, le challenge sportif n'est plus en adéquation avec ce que j'attendais, toutes les personnes qui avaient œuvré pour ma venue sont parties. Je ne m'y retrouvais plus.»
Non seulement le Dynamo Moscou a été privé de Coupe d'Europe au printemps pour cause de manquements au fair-play financier, mais le club russe était aussi soumis à des restrictions concernant le nombre de joueurs étrangers pour cause de «relance» des joueurs locaux. Le joueur, lui, est obsédé par le fait de conserver sa place chez les Bleus et l'Euro 2016 à venir : bonne affaire pour Lyon donc, qui profite aussi du fait que Valbuena n'a jamais fait monter aux rideaux les plus grands clubs européens, sceptiques depuis toujours à son endroit.
Jimmy Briand (30 ans), Guingamp
Douze, c'est le nombre d'années qu'a passé Briand en Ligue 1. Entre le Stade Rennais et l'Olympique Lyonnais, il comptabilise 279 matchs en championnat, avant son exil allemand à Hanovre. Contraint et forcé, à l'entendre, ou plutôt à entendre Jean-Pierre Bernès, son agent, dans les colonnes du Progrès. «Jimmy n'a jamais voulu quitter Lyon. Devant l'insistance du club, on a discuté avec Monaco et il a accepté de passer sa visite médicale. Durant cette journée, il n'a vu aucun dirigeant monégasque, et pas davantage l'entraîneur. […] De mon côté, je n'ai jamais reçu la moindre proposition écrite. […] Le joueur ne méritait pas un tel comportement.»
Cette affaire remonte à la fin de la saison 2012-2013 : Briand avait, du coup, patienté à Lyon avant de partir libre et sans bruit, une habitude pour un attaquant peu spectaculaire, qui ne marque pour ainsi dire pas, mais qui expliquait tantôt «savoir pourquoi mes entraîneurs m'ont toujours mis sur le terrain plutôt qu'un autre». Cinq sélections chez les Bleus quand même, dont trois durant la mandature Raymond Domenech. Briand a expliqué revenir dans l'Hexagone pour raisons familiales.
Renato Civelli (31 ans), Lille
Même s'il n'a pas débuté en France, il a fait les beaux jours du championnat de première division avec, d'une part, l'OM (2006-2009, 46 matches), et plus récemment avec l'OGC Nice (115 matchs), qu'il quitta amer pour Bursaspor en Turquie : estimant avoir sauvé saison après saison la place de l'équipe azuréenne en Ligue 1 (13 buts en trois saisons et demi, pas mal pour un stoppeur), le grand défenseur jugeait avoir été bien mal payé en retour, le nouveau président du GYM Jean-Pierre Rivère ne proposant plus aux joueurs, à son arrivée en 2012, des contrats aussi juteux que ceux qui avaient cours avant lui. Homme particulièrement intelligent et cultivé, dont l'indépendance d'esprit se remarque dans un vestiaire, Civelli a fait savoir à intervalle régulier que la Ligue 1 lui manquait depuis son exil turc. Il a rappelé cet attachement une fois arrivé à Lille : «Quand on quitte la France on se rend compte à quel point on y était attaché avec ma famille. C'est pour ça qu'on est ravi de pouvoir rentrer […] Je ne le dis pas pour être poli, quand j'ai eu la nouvelle [de son transfert au LOSC, ndlr] j'étais vraiment content.»
Abou Diaby (29 ans), Marseille
Depuis son départ de l'AJ Auxerre (10 rencontres entre 2004 et 2006), le Francilien a disputé… 124 rencontres en neuf ans (!) avec Arsenal, ce qui est peu. Autant être clair : pour le milieu, Diaby est perdu pour le football, ce que disent les 42 blessures successives du milieu de terrain au fil des saisons. Marseille fait donc une sorte de pari que l'on imagine sous contrôle, du genre salaire indexé sur le nombre de matchs disputés par le joueur. Et c'est alors que ressurgit Eduardo Santos, alias Merlin l'enchanteur, ce physiothérapeute brésilien exilé en Russie passé à la postérité en mars dernier après avoir réduit «sans injection» l'indisponibilité du défenseur du Paris-SG David Luiz, touché à la cuisse, de quatre semaines à cinq jours.
Diaby était à Saint-Pétersbourg entre le 13 et le 23 juillet pour y subir une thérapie «à base d'ondes de choc» (dixit Santos), où l'on broie des vaisseaux sanguins pour irriguer le muscle : il s'y serait d'ailleurs re-blessé encore un coup, ce qui a fait tiquer la direction de l'Olympique de Marseille. Malgré ses bulletins de santé, Diaby a toujours suscité l'intérêt des clubs : il est souvent parvenu à être performant très rapidement après avoir repris (et juste avant de rechuter), comme en témoigne ses matchs avec les Bleus en Bosnie le 7 septembre 2010 ou en Finlande deux ans plus tard, jour pour jour.
Hatem Ben Arfa (28 ans), Nice
Toujours un peu la même chanson : j'ai changé, j'ai soif de football, promis on ne me prendra plus à prendre de grands airs dans le vestiaire et puis voyez, je suis sympa, et en plus j'ai réfléchi sur la vie et l'existence… Laissé pour compte à Hull City (Angleterre) et approché par Nice à l'automne dernier, Ben Arfa aura cette réplique de légende : «Même si le Real Madrid m'appelle, je vais à Nice.»
Sauf que le Real Madrid n’a pas l’habitude d’appeler des joueurs dont même Hull City, modeste club jouant le bas de tableau de Premier League, ne veut pas. Que dire ? Ben Arfa est un type adorable, respirant viscéralement le football et n’aimant rien tant qu’en parler jusqu’au bout de la nuit. Il a aussi eu parfois le dos large : quand son sélectionneur d’alors, Laurent Blanc, l’a publiquement fustigé parce qu’il envoyait un SMS dans le vestiaire après une défaite des Bleus contre la Suède à Kiev lors de l’Euro 2012 (il n’était pas le seul, mais lui a trinqué) ou lorsque les présidents de club le daubent en off parce que le joueur s’est prêté de mauvaise grâce à leur coup de billard à huit bandes visant à vendre l’attaquant le plus cher possible.
Après, Ben Arfa, qui n’a pas joué depuis un an, a aussi tendance à faire sentir à ses partenaires qu’il est plus fort qu’eux ou que la défaite du jour n’est pas la sienne : rude chantier pour l’entraîneur niçois Claude Puel, en plus d’inculquer une mentalité collective à un soliste invétéré dans son genre.