Accusations de menaces, distribution d’un article aux allures de portrait à charge: l’UEFA et le camp de Michel Platini soupçonnent Joseph Blatter de vouloir saborder à tous prix les ambitions du Français, grand favori à la succession du Suisse à la tête de la Fifa.
Dans une lettre à la Fifa, l'UEFA vient même dimanche de dénoncer «une campagne présumée de dénigrement».
Les couteaux sont déjà sortis entre les deux hommes, deux semaines à peine après l’officialisation de la candidature de Platini, le patron du football européen, et les événements du week-end ne sont qu’un avant-goût des coups bas et manœuvres qui risquent de se multiplier d’ici le scrutin prévu le 26 février 2016 à Zurich.
Alors que Platini est resté muet depuis son annonce, le 29 juillet, c’est Blatter qui a pris les devants en lâchant les premières salves. Le Suisse, qui ne pardonne pas au patron de l’UEFA de ne pas l’avoir soutenu lors du scrutin de mai, semble prendre un malin plaisir à lui savonner la planche pour empêcher son arrivée au sommet du football mondial.
Dans un entretien accordé samedi au quotidien néerlandais De Volkskrant, «Sepp» Blatter a ainsi accusé Platini d'avoir évoqué la prison pour le dissuader d'être candidat à sa réélection pour un cinquième mandat, en mai, au moment où plusieurs dignitaires de la Fifa étaient visés par un vaste coup de filet de la justice américaine pour corruption.
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Cette menace voilée aurait été faite par le patron de la Confédération européenne au frère de Blatter, à Zurich, à quelques heures du vote remporté par le dirigeant helvète, âgé de 79 ans. Ce dernier annoncera sa démission quatre jours plus tard. «Durant le déjeuner, Platini s'est assis à la table de mon frère (Peter) et lui a dit: "Dis à Sepp de retirer sa candidature, ou il ira en prison."», a affirmé Blatter, précisant n'avoir appris que récemment par son frère ces propos supposés de Platini.
L'entourage de Platini n'a pas tardé à voir dans cette «histoire montée de toutes pièces (...) la dernière d'une série de tentatives de Zurich [siège de la Fifa, ndlr] pour distraire le monde des vrais problèmes auxquels la Fifa est confrontée». «Le président de l'UEFA ne va pas donner de crédit à ces allégations ridicules en y répondant, a indiqué à l'AFP une source proche de l'ancien capitaine de l'équipe de France. Il est actuellement plus préoccupé par la préparation d'un programme qui puisse restaurer l'image et la réputation de la Fifa et qui puisse surtout développer le football dans le monde entier.»
L’ombre du Qatar
L’UEFA a en revanche pris beaucoup plus au sérieux l’existence présumée d’un article très négatif sur Michel Platini, article qu'aurait commandé par Joseph Blatter et proposé à plusieurs rédactions.
Selon le Welt am Sonntag publié dimanche, il s'agirait d'un portrait intitulé «Platini: un squelette dans le placard», qualifiant le président de l'UEFA d'«un des plus grands magiciens du ballon que l'Europe ait jamais vus», mais pas «assez grand pour être président de la Fifa si l'on regarde du côté du Qatar». Une allusion au vote du Français pour le richissime émirat gazier lors de l'attribution du Mondial-2022, en décembre 2010. L'article a été écrit par Thomas Renggli, proche collaborateur de Blatter, précise le journal allemand.
Son vote en faveur du Qatar pourrait constituer un boulet pour Michel Platini. D'autant que sa présence à un déjeuner à l'Elysée avec Nicolas Sarkozy et le leader de l'émirat, quelques jours avant l'attribution du Mondial nourrit les soupçons. Selon ses détracteurs, l'ex président de la République aurait promis au Qatar la voix de Platini en échange de la reprise du PSG.
L'UEFA a jugé l'affaire suffisamment grave pour adresser une lettre de protestation au secrétaire général de la Fifa, le Français Jérôme Valcke, avec copie à Domenico Scala, président du comité d'audit et de conformité de l'instance mondiale, et à Cornel Borbély, président de la chambre d'instruction de la commission d'éthique. «Nous avons demandé à la Fifa d'enquêter sur l'origine de cet article car nous sommes préoccupés par les rumeurs sur une campagne présumée de dénigrement à l'encontre du président de l'UEFA», a expliqué un porte-parole de l'UEFA.
La bataille ne fait donc que commencer et tout le monde attend désormais avec impatience les réactions de Platini lors de sa première conférence de presse en tant que candidat à la présidence de la Fifa, le 28 août à Monaco.