«Il y avait du soulagement dans le vestiaire, pas de l'extase, mais du soulagement.» Une bière à la main, Yannick Bru, l'entraîneur des avants de l'Equipe de France, résume l'état d'esprit de ses troupes, victorieuses de l'Angleterre (25-20) samedi soir au stade de France. «On a été très performants dans la conquête, c'est rassurant. On méritait de gagner», complète le sélectionneur Philippe Saint-André, des trémolos dans la voix - une constante chez lui, dans le succès comme dans la défaite, voire le match nul.
«Bon, les dix dernières minutes ont été compliquées, on prend deux essais sur des petites erreurs, on se laisse fixer sur des leurres, et à 3 contre 2, les Anglais vont à dame, mais globalement, on a fait preuve d'une belle solidarité. On va savourer la victoire, ce n'est pas tous les jours, dit Mathieu Bastareaud, le roc défensif. Les Anglais avaient annoncé: ''On vient avec l'équipe type''. On s'est dit: ''Ok.''» Ok, asphyxions-les d'entrée, et rendons leur la monnaie de leur livre sterling. Les Anglais ont rapidement cherché un second souffle, les Français ont enquillé les pénalités (15-6 à la pause), puis creusé l'écart avec un superbe essai de Yoann Huget, servi par Frédéric Michalak (47e). «C'est un match construit et abouti, mais ne vous enflammez pas. Le niveau des Anglais dans un mois, chez eux, sera beaucoup plus élevé. Laissez-nous tranquilles, laissez-nous bosser!», exhorte Big Basta, le tamponneur des Lilas.
Michalak, recordman blasé
«On n'était pas passés loin à Twickenham la semaine dernière, mais nous n'avions pas réussi à imposer notre loi. Cette fois, on a rivalisé physiquement, on voulait savoir où on en était, et nous sommes fixés. Nous n'étions pas morts au bout de 60 minutes de jeu, alors que c'était pour beaucoup notre premier match depuis deux mois», explique Huget. Ailier virevoltant, décisif en attaque, comme en défense, il a annihilé les derniers espoirs anglais d'un plaquage magistral lors des arrêts de jeu. Il note: «La réussite au pied a été importante, pour prendre le large.»
Huget fait référence au retour du buteur maison, Michalak, bientôt 14 ans à user le maillot bleu et auteur de 17 points face à l'Angleterre. Dans la tribune VIP du Stade de France, Bernard Laporte, son manager au RC Toulon, a dû apprécier l'ironie de la situation. Blessé pendant une immense partie de la saison, et plutôt décevant dans ses rares prestations avec le club varois, notamment en demi-finale de Coupe d'Europe, Michalak revient à point nommé et pourrait être le messie des Bleus au poste de demi d'ouverture. Ce businessman aguerri a bien planifié son coup. «La Coupe du monde, c'était un de mes objectifs depuis 4 ans», glisse-t-il, sans crainte de vexer son premier employeur.
«Ce soir, on a mis les choses dans le bon ordre, on a été assez pragmatiques», poursuit-il, même s'il s'est offert quelques mignardises à hérisser les derniers cheveux bordant le crâne de Laporte. Sa passe pour Huget sur l'essai est inspirée, sa réussite au pied en fait désormais le meilleur marqueur de l'histoire du XV de France (394 points en 72 sélections, contre 380 pour Christophe ''Titou'' Lamaison). «J'ai appris ça tout à l'heure», dit-il, sans qu'on soit obligé de le croire. «C'est anecdotique, on est loin des 1000 points de certains», conclut-il, en référence notamment aux 1516 points de l'ouvreur néo-zélandais Dan Carter. Michalak se fout des records, il joue pour se faire plaisir, pas pour le Guinness Book, et cela fera l'affaire pour Philippe Saint-André.