Menu
Libération
Profil

Mondiaux d’athlétisme de Pékin : sur 800 m, c’est qui le Bosse ?

Si ce joyeux bon vivant de 23 ans a peu de chance de remporter la finale ce mardi, sa personnalité a déjà marqué les esprits.
Pierre-Ambroise Bosse lors des séries du 800 m. (Photo Olivier Morin. AFP)
publié le 24 août 2015 à 19h46

En athlétisme, le 800 m ne sera jamais une science exacte. Mais, sauf incident de parcours, la finale mondiale (à 14 h 55) devrait désigner ce mardi soir à Pékin l'immense David Rudisha, le Kényan au sourire de pasteur, recordman du monde depuis les Jeux de Londres. Et, sauf improbable scénario de course, le Français Pierre-Ambroise Bosse y jouera au mieux le rôle de l'amuseur public. Le type est capable de dynamiter le peloton sans raison apparente, sinon peut-être celle de voir l'effet que peut avoir sur ses adversaires la vue d'un blanc-bec à la barbiche de fossoyeur prendre le rythme à sa main. Et même s'il n'apporte pas une deuxième médaille à l'équipe de France, après le bronze de Renaud Lavillenie à la perche lundi (lire l'article sur Libération.fr), il faudra aller écouter ce Nantais de 23 ans, installé à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), raconter sa soirée. Avec lui, l'exercice n'est jamais sans intérêt.

Curieux bonhomme. Un beau parleur, jamais en retard d'une formule, esprit brillant, «intellectuellement très au-dessus», selon son coach Bruno Gajer, mais totalement imprévisible. A Pékin, il a arraché in extremis sa qualification pour la finale, rattrapé au temps plusieurs minutes après la course. Il s'en est amusé : «Moi je suis passé, et Amos [l'Ethiopien champion du monde en titre, ndlr] a sauté. C'est une histoire de vases communicants qui n'aurait jamais dû se produire, selon les statistiques du 800 m. Voilà un championnat ouvert !» Le sang coulait sur sa jambe, la faute à un coup de pointes reçu sur le tibia. Pas grave. «A froid, ça va faire mal. Heureusement que nous avons de très bons médecins.»

Noceur. Plus tôt dans la saison, il avait déjà affolé les spécialistes en faisant sauter à la dynamite le 800 m du meeting de Monaco. Lancé comme un obus, il avait mené pendant 600 m, avant de casser comme une allumette. Une folie. «Un peu comme si un mec sorti d'un hôpital psychiatrique s'était glissé dans mon corps et en était ressorti en fin de course», analyse-t-il. Avant de poursuivre : «J'avoue que je n'ai pas compris.» Nous non plus.

Longtemps, le gaillard a traîné dans son ombre une réputation de noceur, amateur de bière, peu regardant sur son rythme de sommeil, capable de faire le mur une veille de course pour rejoindre une conquête féminine. Exagéré, reconnaissent ses proches. Son coach ferme les yeux : «Je ne veux pas savoir ce qu'il fait en dehors de l'entraînement, ça ne me regarde pas. La seule chose qui compte est de le voir à l'heure pour une séance, impliqué, concentré, prêt à tout donner sur la piste. Et là, il est irréprochable.» A l'Insep, il n'est pas rare de l'apercevoir dans un recoin du stade, vomissant ses boyaux après une série de 1 000 mètres. «Un bosseur», résume Bruno Gajer. «La souffrance, je sais qu'elle sera là, à mes côtés, à l'entraînement comme en course, confie l'athlète. Je le sais, ça m'effraye. Mais en même temps, j'en ai besoin. Comme une drogue. Sans elle, quelle chance j'aurais de progresser ?»

«Pissé dessus». En 2014, il se pointe face à la presse après la finale du 800 m des championnats d'Europe, largement perdue alors qu'il en était le favori, avec un grand sourire aux lèvres. «Je me suis pissé dessus», lâche-t-il en guise d'explication. Quelques semaines plus tôt, il se présente au départ de la course du meeting Areva, à Saint-Denis, habillé d'un maillot à manches longues de l'équipe de France de football. «Je me suis dit qu'en plein Mondial, il fallait que je marque le coup, raconte-t-il. Mais je ne recommencerai pas. Qu'est-ce qu'il fait chaud là-dessous !» La même année, les experts font tournoyer sous ses yeux le record de France du 800 m, un chrono vieux de douze ans qu'on le croit prêt à s'offrir. «Vous en rêvez ?» l'interroge un reporter. «Non, je rêve de sortir avec Maria Sharapova [la joueuse de tennis russe, ndlr].»

A une question de l'Equipe Magazine sur «un truc pour chasser le stress», il a eu cette réponse : «Le sexe. Ah ben oui, on est endurant ou on ne l'est pas. On a quand même une capacité de récupération hors norme, nous, les coureurs de 800 m !» Impayable.