Une fois n’est pas coutume : il n’a pas fallu aller chercher dans un regard de travers ou dans une allusion l’événement de la première liste communiquée par le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps lors d’une saison 2015-2016 qui mènera les tricolores à un championnat d’Europe organisé sur leur sol en juin. Un gamin de 19 ans expédié au feu international dans un moment pareil, c’est en effet rarissime : l’attaquant monégasque Anthony Martial figure en effet parmi les 23 noms appelés à disputer les deux matchs amicaux contre le Portugal de Cristiano Ronaldo (le 4 septembre à Lisbonne) et la Serbie (le 7 à Bordeaux).
Comme souvent, Deschamps s'est débrouillé pour mettre dans la tête de ses interlocuteurs le côté, sinon négatif, du moins nuancé d'une telle situation : «Martial évolue en position axiale mais il peut aussi jouer sur un côté, car il a des qualités de puissance et de vitesse. Il est jeune mais son profil m'intéresse dans un secteur de jeu [l'attaque] où il n'est pas évident de trouver ces qualités chez les joueurs français. On va aussi le voir au quotidien à l'intérieur du groupe», histoire de regarder comment il s'intègre au paysage.
Le mot important : «côté». Les Bleus sont à poil sur les côtés. Derrière, où le vénérable Patrice Evra demeure, à 34 ans et avec les jambes qui vont avec cet âge-là, le meilleur latéral tricolore devant une palanquée de joueurs (Bacary Sagna, Mathieu Debuchy, Lucas Digne) remplaçants dans leur club, ce qui par nature jette un voile sur leur niveau réel. Et plus encore devant, où Deschamps aligne sur les ailes des types – Mathieu Valbuena, Antoine Griezmann – plus à l'aise dans l'axe, c'est-à-dire plus enclin à fuir le duel d'homme à homme qu'à le susciter.
Un joueur de côté, c’est un joueur endurant, capable de disputer la totalité d’un match sur un rythme élevé et qui a le goût de l’affrontement avec celui qui lui fait face sur le terrain. C’est aussi un joueur qui défend autant qu’il attaque d’où le peu d’appétence, pour ne citer que lui, de Karim Benzema quand Deschamps lui a demandé de prendre le couloir gauche durant le Mondial brésilien.
Martial est un gosse : un joueur qui était totalement perdu il y a douze mois, tout à cette douceur de vivre qui s’empare parfois des jeunes joueurs évoluant à Monaco quand ils se laissent aller. Certains cadres de l’équipe lui ont depuis expliqué qu’ils attendaient plus de lui et Martial s’est mis en conformité avec un talent qui avait poussé Monaco à mettre 5 millions sur la table pour l’arracher à l’Olympique lyonnais alors qu’il n’avait pas 18 ans. Si le club de la Principauté le transfère d’ici lundi comme il se le murmure (Monaco n’ayant pu se qualifier pour la Ligue des champions cette année, ce qui induit de réduire la voilure), Martial était estimé à au moins une trentaine de millions, soit six fois son prix d’achat. La convocation de Deschamps n’a pas dû faire de mal à sa cote.