La rencontre de samedi (20h) entre l'Espérance sportive Troyes Aube Champagne (Estac), 17e au classement après avoir pris 6 buts à Marseille le week-end dernier, et Montpellier, 19e sans avoir inscrit le moindre but, n'est a priori pas la plus sexy de cette 4e journée de championnat écrasée par le Monaco-Paris-SG de dimanche. Encore que…
Parce que Rolland Courbis
L'entraîneur montpelliérain a prévenu à la suite de la défaite (0-1) contre le Paris-SG la semaine dernière, la troisième en autant de matchs depuis le début du championnat : si son président Louis Nicollin souhaite le limoger, qu'il le fasse ! «Si on pense que quelqu'un d'autre peut les trouver (les solutions ndlr) plus rapidement, je ne suis pas vexé pour autant, Loulou aura toute ma sympathie […] Je suis prêt à le conseiller pour trouver le bon entraîneur.» L'ironie, toujours, mais pas que. Dans le Midi Libre, Louis Nicollin avait en effet formulé des critiques assez précises, concernant le recrutement désiré par Courbis et le tropisme d'un coach qui n'aime pas disputer les matchs amicaux d'avant-saison.
Il faut en déduire que Courbis a la tête sur le billot, malgré une saison dernière bouclée à la 7e place – juste derrière Bordeaux, dont les moyens sont bien supérieurs. Nicollin peut bien sûr changer d'avis (ça lui arrive tout le temps) et décréter que Courbis est un cador mais pour l'heure, ce n'est pas la tendance. Au grand dam de la direction opérationnelle du club (Laurent Nicollin, fils de Louis), qui est obligé de souquer ferme pour réparer les dégâts causés par les philippiques du patriarche.
Parce que Jean-Marc Furlan
«De Gaulle disait que le succès porte en lui les germes de l'échec et inversement.» Il ne faut jamais perdre de vue la prose de l'entraîneur troyen Jean-Marc Furlan, huitième année dans l'Aube sur un leitmotiv martelé sans relâche aux joueurs – et aux journalistes : humanisme et plaisir de jouer. Florilège: «Gagner 38 matches dans la saison, je ne suis pas sûr que ça rende heureux», «les entraîneurs qui restent dans l'histoire sont toujours les humanistes, ceux qui ont su gagner le respect voire l'admiration de leur groupe», «je ne veux pas transmettre des valeurs comme la victoire à tout prix aux jeunes, je veux leur transmettre de l'espoir», etc. Bah, certes, on est OK mais enfin, le sport étant ce qu'il est, est-ce que la victoire n'est pas l'alpha et l'omega du foot de haut niveau, indépendamment de la manière dont on l'emballe ? Furlan répond ceci : «On est 7 milliards sur terre et tous ceux qui n'ont pas gagné n'ont qu'à se suicider, c'est ça ?» Puis : «A 58 ans, j'ai envie de ne pas dramatiser la situation. […] Tous les supporters veulent que leur équipe gagne mais au-delà de ça il y a aussi une demande de la part du public, du grand public, d'une certaine joie de vivre de la part des sportifs.» Dans les coulisses du stade de l'Aube, Furlan affiche des maximes : Mandela, Cruyff, Aristote…
Parce que les vieux
Un Troyes-Montpellier, c'est aussi l'occasion de voir à l'œuvre les deux joueurs les plus âgés de Ligue 1 : le Troyen Benjamin Nivet, meneur de jeu subtil, et l'Héraultais Vitorino Hilton, défenseur impitoyable. 38 et 37 ans, respectivement. Nivet, c'est 110 rencontres sur 117 possibles en championnat en quatre saisons à l'ESTAC, Ligue 1 et Ligue 2 confondues : «Ce n'est pas mon âge qui va me dicter quand je vais arrêter, c'est mon corps.» Architecte du jeu troyen, Nivet évite depuis longtemps cet éparpillement qui use prématurément ses pairs. Il s'attache désormais la patine vintage que l'on doit aux joueurs en voie de disparition, peu travailleur, plus manieurs de ballon que coureurs à pied.
Vitorino Hilton, c’est tout autre chose. Féroce sur l’homme, le Brésilien aura passé onze années dans l’Hexagone où il aura consciencieusement mâché – sous les maillots de Bastia, Lens, Marseille et Montpellier – plusieurs générations d’attaquants sans lâcher un mot aux journalistes à la sortie du terrain ; une sorte d’expression suprême du professionnalisme taiseux à la sauce sud-américaine. Du coup, on l’associe en défense centrale à des gamins devant apprendre le métier ; Mapou Yanga-Mbiwa hier, Ramy Bensebaini aujourd’hui. Un modèle. Dans son genre.