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Marin Cilic, l'imprévisible

Le Croate affronte Jo-Wilfried Tsonga en quart de finale de l'US Open, à 19h30 heure française.
Marin Cilic, le 6 septembre 2015 à New York. (Photo Kena Betancur. AFP)
publié le 8 septembre 2015 à 19h08

Jo-Wilfried Tsonga va rencontrer un drôle de bonhomme aujourd’hui. Un bonhomme qui a fait l’histoire un peu malgré lui : en l’emportant à New York voilà un an, Marin Cilic est devenu l’un des trois joueurs (avec Juan Martin Del Potro en 2009 et Stanislas Wawrinka à deux reprises, en 2014 et 2015) à casser l’éternel storytelling qui court depuis 2005 ; les quatre «fantastiques» du tennis – Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Andy Murray – qui font main basse sur les titres du Grand Chelem depuis 2005.

Un braquage que le grand Croate (1,98 mètre sous la toise) a fait à la Cilic : sans autre à-coup que son service qui claque à 210 km/h, avec des matchs facilement gagnés – à l'exception d'un quart en cinq sets contre le Français Gilles Simon qui s'en veut encore d'avoir lâché le morceau – et une impassibilité qui, selon l'intéressé, n'est qu'apparente, «car ça boue à l'intérieur».

Longue descente

Quand le Landernau avait justifié sa facile victoire en demi contre un Federer par l’épuisement du Suisse, éprouvé par un match du bout du monde contre Gaël Monfils, Cilic n’avait même pas relevé. A 25 ans, le natif de Medugorje (en Bosnie-Herzégovine) avait déjà laissé deux vies derrière lui. La première fut celle d’un joueur plein de promesses, dans le top 10 à 20 ans, ce qui est devenu extrêmement rare, élevé au sport dans un contexte rude : si Cilic affirme n’avoir pas connu la guerre proprement dite, il a grandi dans un pays économiquement laminé, où il a rapidement pris la mesure de ce que son don pouvait lui apporter.

La deuxième fut une longue descente avec les premières blessures puis un contrôle positif à la nicéthamide (un stimulant cardiovasculaire) en 2013, que les autorités du tennis ont d’abord essayé de mettre sous le tapis, demandant juste au joueur de feindre une blessure et de disparaître du circuit le temps de sa suspension : entre le forfait bizarre de Cilic avant son deuxième tour de Wimbledon et les rumeurs, les choses ont fini par se savoir, le Croate voyant sa suspension initiale de neuf mois ramené à quatre par le Tribunal arbitral du sport après avoir plaidé l’absorption de tablettes de glucose.

 Affable

N'empêche : la Fédération internationale de tennis étant le cancre éternel de la lutte antidopage, l'image du Croate en a souffert, sur le mode «pour qu'ils le chopent lui, il a vraiment fallu qu'il passe les bornes». Dans l'Equipe Magazine, Cilic a expliqué y avoir gagné «de la dureté mentale» sans s'épancher plus avant. En fait, il a fait profil bas et s'est mis entre les mains de son contraire, l'ex-vainqueur de «Wimbledon croate» Goran Ivanisevic, qui a entrepris de changer la focale de son cadet : «Goran a d'abord voulu que je me concentre sur mon jeu avant de penser aux autres. Avant, j'avais tendance à être trop concentré sur l'adversaire, à me prendre la tête sur la tactique. Quand j'ai inversé les choses, j'ai senti que mon jeu s'étoffait.»

Pour sa personnalité, on ne dit pas : on a croisé en mai à Roland-Garros un type affable, à la peine pour déplier ses interminables segments et ne craignant pas de laisser s’installer de longs silences. On était alors loin, très loin de l’espèce de tension que l’on ressent parfois lors des exercices médiatiques de ses pairs, aussi durs et dominants en dehors du court que durant les matchs. Il faut dire qu’un Murray ou un Djokovic attirent une cinquantaine de représentants des médias sur un tournoi du Grand Chelem – le double pour Federer. Nous étions six avec Cilic. Dont cinq journalistes croates. Qui s’adressaient au joueur comme on discute le bout de gras avec un copain.