Menu
Libération
Profil

Eurobasket : Evan Fournier est «dans la position du gendre qui ne peut pas se lâcher à table»

Alors qu'au début de la compétition il peinait à peser sur les matchs, l'arrière prodige des Bleus a régalé le public avec 12 points marqués en dix-sept minutes contre l'équipe turque, défaite samedi (76-53).
Evan Fournier, samedi contre la Turquie, au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d'Ascq. (Photo Philippe Huguen. AFP)
publié le 13 septembre 2015 à 15h46

Ceux qui en doutaient ont obtenu une réponse brute de décoffrage, samedi soir, dans les bas-fonds du stade Pierre-Mauroy de Lille. «La confiance ? Je ne l'ai jamais perdu», expédiait l'impétueux arrière des Bleus Evan Fournier, 22 ans. Les Français venaient de concasser les Turcs (76-53) et de se qualifier pour les quarts de finale de l'Eurobasket – ils affrontent la Lettonie mardi, à 21 heures. Pour une fois, Tony Parker, Boris Diaw, et Florent Pietrus, que le reste du groupe surnomme les trois mousquetaires, n'y étaient pas pour grand-chose.

Si les Bleus poursuivent leur route, c’est grâce à l’incroyable apport de leur banc de touche (près de 50 % des points marqués). A ce jeu des chaises musicales de la marque – chaque joueur français semble choisir son soir pour performer –, c’est Evan Fournier qui a régalé samedi. Avec 12 points en dix-sept minutes, à 5/9 au shoot, plus 6 rebonds, l’arrière du Magic d’Orlando a fermé le clapet de ceux qui s’agaçaient – pas forcément toujours à tort – de sa nonchalance. Il est vrai que depuis le début de la compétition, Fournier peinait à peser sur les matchs.

Or à scruter les échauffements de l'équipe de France les uns après les autres, force est de confesser qu'il est probablement le meilleur joueur de ce groupe techniquement. Pointu au dribble et soyeux au shoot, Evan Fournier a un talent rare : celui d'être ambidextre sur son premier pas. Ainsi, son garde-chiourme peut être assailli sur sa droite comme sur sa gauche. Et pour ne rien gâcher, il est capable d'accélérations impressionnantes pour son gabarit (1,98 m). Voilà pour la brosse à reluire. Car, pour le reste, Fournier est un joueur caractériel dont la jeunesse est une des explications. Né de parents judokas de haut niveau, le scoreur du Magic a toujours été considéré comme un petit prince. Avec l'ingratitude qui en incombe : être bon à chaque apparition ou risquer l'échafaud. Orgueilleux, Fournier n'a, en outre, pas choisi la meilleure voie pour calmer les grincheux. En 2012, alors âgé de 20 ans, il aguiche la caméra dans Evan, le rêve américain, un documentaire qui annonce peu ou prou l'avènement d'un nouveau Tony Parker en NBA. Sûr de son fait, il donne l'impression d'un espoir auquel tout est dû.

De meilleures intentions

A la différence d'un Gobert sur lequel tout glisse au même âge, Fournier accorde beaucoup d'attention à son image et trahit souvent une hypersensibilité aux questions des journalistes. «C'est quelqu'un de très attachant et de sincère. Mais il est parfois un peu maladroit et surjoue dans son rapport au monde extérieur. Il sait qu'il est très bon mais n'accepte pas de ne pas toujours réussir à le prouver», note un de ses anciens coachs en jeune à Poitiers. Qui estime qu'en équipe de France, «il est dans la position du gendre qui ne peut pas vraiment se lâcher à table en raison de la présence du beau-père» – on présume qu'il s'agit de Tony Parker. A l'été 2013, le sélectionneur, Vincent Collet, l'avait retenu pour le stage de préparation à l'Eurobasket en Slovénie. Compétition que les Bleus finiront par remporter, mais sans Evan Fournier, remercié en raison d'un dilettantisme un peu trop ostentatoire. En 2014, le prodige est à nouveau appelé et déboule avec de meilleures intentions. Miracle, il s'essaye même à la défense, une notion jusqu'ici abstraite pour lui. Convaincu, Collet l'emmène cette fois-ci à la Coupe du monde, en Espagne. S'il traverse le premier tour telle une âme en peine, il brille, déjà en huitième de finale, contre la Croatie.

A l'époque, dans un compte rendu de match un tantinet exubérant, on avait alors qualifié sa prestation «d'improbable». Ce qui nous avait valu une franche remontée de bretelles de la part d'un membre du staff tricolore, aux petits soins avec la perle Fournier : «Il a encore beaucoup de choses à apprendre, il a encore commis des erreurs ce soir, mais il a fait beaucoup de progrès depuis le début de la compétition. Je te rassure, il n'est pas improbable.» Gageons que le temps fera beaucoup à l'affaire.