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Rudy Gobert au top pivot

Les chances des Bleus de l’emporter en demi-finale de l’Euro, ce jeudi, reposeront pour beaucoup sur leur «Gobzilla», d’une vitesse hors norme pour un joueur de 2,15 m.
France's Rudy Gobert shoots a free throw during their quarter final basketball match at the EuroBasket European Basketball Championships, between France and Latvia, on Tuesday, Sept. 15, 2015 in Lille, northern France. (AP Photo/Michel Spingler)
publié le 16 septembre 2015 à 19h36

Le sélectionneur Vincent Collet aime le glisser dès qu’il peut : au basket, la statistique la plus importante est celle qui n’existe pas. Celle, inquantifiable, qui consisterait à évaluer la force de dissuasion d’un défenseur sur ses adversaires. A ce jeu, Rudy Gobert, le longiligne pivot des Bleus, est probablement le plus prolifique de l’Eurobasket. Et c’est avant tout grâce à un paramètre sur lequel il n’a aucune prise : son envergure irréelle, 2,35 m de majeur à majeur.

Mardi, en quart de finale, les Bleus piochaient sévère en début de partie contre la Lettonie (84-70). L’attaque s’enferrait dans les filets baltes et la défense enchaînait les trous d’air. Mais Gobert maintenait le bastringue à flot. Fidèle à son habitude, il colla quelques bâches aux imprudents intérieurs lettons, et marquait des paniers que seuls ses avant-bras télescopiques permettent d’aller chercher. Si bien que l’équipe de France ne peut plus se passer d’un type dont l’abattage sera primordial, ce jeudi soir, en demi-finale contre l’Espagne. Au demeurant, Gobert offre une production - quantifiable celle-là - des plus présentables : 10,1 points et 6,6 rebonds par match.

Pina Bausch

Pourtant, «Gobzilla» n'abordait pas l'Euro dans la peau d'un titulaire. Au poste 5, Vincent Collet envisageait plutôt de l'envoyer au relais d'Alexis Ajinça, l'autre tour tricolore (2,15 m), bien plus habile au shoot à mi-distance. Seulement, Ajinça s'est blessé aux adducteurs, une semaine avant le début de la compétition. Une lésion plutôt mineure, paraît-il, mais qui aurait engendré son rappel illico par sa franchise des New Orleans Pelicans. Et à 23 ans, Gobert s'est retrouvé seul sous les spotlights.

Imparfait techniquement, le pivot des Utah Jazz s'appuie, on l'aura compris, sur un physique rarissime. Des mensurations qui interrogent la cohorte de médecins qui l'accompagne à l'année : comment est-il possible d'être perché si haut - entre 2,15 m et 2,17 m, selon les estimations - et de se déplacer si vite ? Car ce qui fait la spécificité de Rudy Gobert, ce n'est pas tant sa taille, mais sa mobilité. Pour un géant, le pivot est très rapide, et possède une belle détente sèche, puisque ses doigts tutoient les 4 mètres. Regarder Gobert se mouvoir est un spectacle savoureux. A l'échauffement, quand il se cambre et effectue des exercices de gainage et de renforcement, on se pince pour ne pas voir un diplodocus échappé de Jurassic World.

Un joueur de ce gabarit requiert l’entière attention des kinés. Ses muscles étant trois fois plus longs que ceux d’un humain de taille classique, les séances d’étirements sont aussi chorégraphiées qu’un ballet de Pina Bausch. Historiquement, la France n’a jamais eu de pivot très grand - à l’exception de Frédéric Weis (2,18 m). Ce fut longtemps un handicap. Cyril Julian, sélectionné tout au long des années 2000, n’était par exemple pas un piètre pivot, mais ses 2,05 m faisaient léger à une époque où, dans tous les sports, les joueurs poussent comme des haricots. Avec Rudy Gobert, fils de Rudy Bourgarel, lui aussi basketteur international en son temps, la France possède donc de l’argent au coffre. Et la NBA l’a bien compris, elle qui a drafté le jeune Choletais dès ses 21 ans.

«Sept pieds»

Dans le championnat américain, où le jeu est bien plus débridé, Gobert pourrait vite briguer le titre de meilleur défenseur de l'année. Les salles NBA grondent déjà de ses contres ravageurs et le public français, qui ne le connaissait guère il y a peu, semble l'apprécier. Signe de l'appétit des franchises américaines pour les «sept pieds» - au moins 2,13 m -, cette étude du magazine Forbes, publiée en 2013 et exhumée récemment par le Monde : en moyenne, leur salaire annuel est de 6,1 millions de dollars (5,4 millions d'euros) contre 2,5 millions pour l'ensemble des autres joueurs.

Ce jeudi, une bonne part des chances de qualification de la France pour la finale reposera sur Rudy Gobert. Le pivot est appelé à se fader en frontal la star espagnole Pau Gasol. Depuis le début de la compétition, ce dernier marche sur l’eau avec près de 24 points, 8 rebonds et 3 passes décisives par match. Gasol est même favori pour l’instant au titre de «Most Valuable Player» du tournoi. A moins qu’il ne s’emplafonne dans la tour Eiffel, l’autre sobriquet de Rudy Gobert.