La boxe offre parfois de belles histoires. Le Français Johann Duhaupas a la sienne au bout des gants en affrontant samedi le champion du monde WBC des poids lourds, l’Américain Deontay Wilder sur ses terres à Birmingham, en Alabama (1).
A priori, Wilder contre Duhaupas, ressemble à un combat complètement déséquilibré avec d’un côté un champion terrifiant qui met tous ses adversaires KO et, de l’autre, un boxeur inconnu sur la scène internationale. Le premier, 2,01 m, 98 kilos, est spectaculaire, provocateur, présenté depuis plusieurs années comme celui qui pourra un jour battre Wladimir Klitschko, le monstre de la catégorie des lourds. 29 ans, invaincu en 34 combats (33 succès avant la limite), il doit son surnom de «Bronze Bomber» à sa médaille de bronze aux Jeux de Pékin en 2008.
Johann Duhaupas, 34 ans, est un ouvrier des rings. Il ne vit pas de la boxe comme l'explique son entraîneur, Bruno Vaillant : «Pour gagner sa vie, il est obligé de travailler à l'usine. Son employeur [la société Decayeux, spécialisée dans les boîtes aux lettres, ndlr] est aussi son premier sponsor.» C'est un costaud, dur au mal. Il n'a jamais été battu avant le dernier coup de gong en 34 combats, (32 victoires dont 20 KO, pour 2 défaites). Duhaupas, champion de France et champion de l'Union européenne en 2013 rend 5 centimètres à son adversaire (1,95 m), mais devrait afficher quelques kilos en plus pour atteindre 107 kilos.
Comment Johann Duhaupas s'est-il retrouvé face à Deontay Wilder? Son agent, Medhi Ameur, revient sur les circonstances du combat : «Johann est classé 12e par la WBC : les quinze meilleurs mondiaux peuvent se voir proposer un championnat du monde par dérogation.» Alors quand, en avril dernier, le Français a battu l'ancien challenger mondial Manuel Charr par décision majoritaire, il est devenu crédible. «Ce combat nous a aidés à nous positionner», poursuit l'agent. Soit, mais pour le camp du champion en titre il s'agit d'un choix prudent. Wilder est en recherche de confiance. S'il est parvenu lors de sa dernière défense de titre à arrêter son compatriote Eric Molina à la 9e reprise, il s'est retrouvé en difficulté contre un adversaire qui lui était a priori largement inférieur.
Prévenu tardivement de cette opportunité, le 4 août, Johann Duhaupas a dû se préparer très vite. Son coach confirme : «En gros, on a eu six semaines, mais on est habitué. On nous appelle tout le temps à la dernière minute. De toute manière, Johann est toujours actif.» Et puis décliner cette proposition n'était tout simplement pas envisageable: «On ne refuse pas de disputer le titre WBC!» Malgré la pression, à quelques jours du combat, Vaillant se montrait confiant : «Il réagit très bien, et arrive à gérer la charge de travail». Le boxeur aussi se sentait bien : «Je monte en puissance, les entraînements paient. Avant j'avais un peu d'appréhension, mais la confiance arrive.»
«J’espère qu’il va me sous-estimer»
Johann Duhaupas s'est préparé dans son club à Abbeville, où tout a été mis en place pour faire au mieux compte tenu du temps qui manquait. «Il a eu son cocon familial, l'environnement était très favorable», assure Medhi Ameur. «On a fait venir des sparring-partners, mais trouver rapidement des hommes de 2 mètres, ce n'est pas facile. On a réussi, il a pu s'entraîner avec deux Ukrainiens qui ont croisé les gants avec les Klitschko.»
Le boxeur d'Abbeville sait que la chance ne se représentera pas de sitôt. Il est seulement le quatrième Français à combattre pour un titre mondial chez les lourds. La dernière fois, c'était en 2012 lorsque Jean-Marc Mormeck a affronté Wladimir Klitschko. En cas de victoire, il serait le premier tricolore à décrocher une ceinture dans la catégorie. Prudent, il préfère ne pas trop y songer: «Bien sûr que j'y pense, mais je ne vais pas me mettre de pression supplémentaire. Il faut quand même reconnaître que ce serait quelque chose pour la boxe en France.»
Deontay Wilder n'est pas invincible. Si son palmarès plaide pour lui, il a battu peu de grandes pointures. De plus, il est habitué à affronter des combattants souvent beaucoup plus petits que lui. Lucide, le Français énumère les points forts de son adversaire: «Il est puissant, rapide, grand et sait se servir de son allonge.» Mais, il connaît aussi son point faible : «Il est trop fougueux. De ses adversaires, je serai un des plus coriaces. J'espère qu'il va me sous-estimer». Hélas, Malik Scott, un ancien sparring-partner de l'Abbevillois a pu prévenir son compatriote. D'après le site d'information Netboxe en affirmant: «Duhaupas est très solide mentalement et le plus dangereux chez lui c'est qu'il pense pouvoir gagner.» Rapé pour l'effet de surprise.
La belle histoire, le Français se sent prêt à l'écrire :«J'ai démarré tard, à 19 ans. Par contre, j'ai commencé à aimer la boxe à cinq ans, en regardant Rocky. Hors du monde de la boxe, je suis un inconnu, et on m'offre ma chance. Mon histoire pourrait être celle de Rocky.»
(1) Le combat sera retransmis en direct sur Bein Sport, dans la nuit de samedi à dimanche, à 2h15.