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Libération
Reportage

Rugby : gueule de bois en Angleterre après l'élimination

L'organisateur de la Coupe du monde de rugby n'a pas passé la phase des poules.
Les joueurs de l'Angleterre quittent la pelouse de Twickenham après leur élimination du Mondial de rugby par l'Australie, le 3 octobre. (Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 4 octobre 2015 à 13h40

La soirée avait pourtant bien commencé. Les «scotch pies», petits pâtés en croûte compagnons traditionnels des soirées de rugby étaient au four, les premières pintes de bière tirées et les paris, à une livre sterling le pronostic, lancés. Dans le bar cosy du Ranelagh Sailing Club (RSC), au bord de la Tamise à Londres, les voileux déçus de n’avoir pu naviguer plus tôt faute de vent se réjouissaient de regarder un match historique. Certains suggéraient de rebaptiser le club «Rugby Sailing Club».

D'autres se payaient même le risque de ricaner : «c'est un arbitre français, ça promet !». La trentaine de membres du RSC réunis pour regarder Angleterre-Australie n'aura pas été déçue. La soirée a bien été historique. Et aussi «cataclysmique», «humiliante» et même «désespérante», si l'on retient quelques-uns des commentaires de la presse britannique.

A la 35e minute, un silence de plomb est tombé sur les pies. Dans un délicieux euphémisme anglais, Zoé a murmuré : «c'est tout de même embarrassant». A la mi-temps, Nigel proposait de voter quelle équipe soutenir ensuite. Quelqu'un a crié : «Allez les Bleus !». Et Richard a expliqué à quel point c'est «merveilleux de vivre dans un pays où l'on peut soutenir trois nations de rugby, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Angleterre». Un autre a même rappelé qu'après tout, la reine Elizabeth II est aussi la souveraine de l'Australie. On se console comme on peut.

Un «disauster»

Peu après 23 heures, les rues de Londres ressemblaient au clip de Thriller de Michael Johnson. Un défilé de zombies. Des grappes de supporters, en maillot blanc frappé de la rose humiliée, foulaient les trottoirs la tête basse, dans un silence inhabituel pour une fin de match. Ils rentraient chez eux, dégoûtés. Pubs et boîtes de nuit se sont vidés très tôt. Bars et restaurants, la chaîne de télévision ITV, diffuseur officiel de la compétition, faisaient déjà les comptes du manque à gagner monumental après la sortie prématurée de la compétition de l'équipe nationale. L'heure n'est décidément plus à la fête.

En fait, l'heure est même à «La fin du monde», ont titré ce dimanche plusieurs journaux. C'est un «DISAUSTER», affirme le Sun on Sunday en jouant sur les mots «Disaster» et «Australie». «Il s'agit d'une humiliation totale pour Lancaster (le coach du XV de la Rose, ndlr), son équipe et les millions de fans de rugby anglais», lapide l'hebdomadaire.

La plupart des journaux affichaient une photo terrible : le capitaine du XV de la Rose, Chris Robshaw, à quatre pattes sur la pelouse de Twickenham, tête baissée, exténué, alors qu'au-dessus de lui, hilares, des joueurs australiens célèbrent leur victoire. Le titre, «Down and Out» (à terre et sortis, ndlr), est partout.

«Humiliés»

«Humiliés», assène le Sunday Mirror qui parle aussi d'une «Nuit de désespoir». La curée a démarré quelques minutes après le coup de sifflet final. Pas de quartiers pour une équipe et un coach qui «n'ont personne à blâmer qu'eux-même», juge The Independent on Sunday. Première nation organisatrice de la Coupe du Monde sortie de la compétition lors des stades de poule, première fois que l'équipe d'Angleterre est éliminée avant les quarts, «l'échec de l'équipe de Chris Robshaw est cataclysmique, individuellement et collectivement».

«Finalement, un pays avec plus d'argent, plus de clubs et plus de joueurs que tous les autres est devenu le premier hôte de la Coupe du Monde à ne pas dépasser les stades des poules», juge le Sun. «Il ne sert à rien de se cacher la brutale vérité que ce groupe de joueurs n'était tout simplement pas assez accompli pour produire un jeu de qualité dans des conditions intenses de pression», estime le Sunday Mirror qui ajoute aussi qu'il «ne sert à rien de se dissimuler la brutale vérité qu'il s'agit d'une des pires déceptions dans l'histoire récente du sport anglais».

Et, pour beaucoup, le responsable est évidemment le coach Stuart Lancaster, «sans aucun doute responsable de cet échec abominable». Son départ, alors qu'il est sous contrat jusqu'à 2019, est souhaité de toutes parts. «Ne lui donnez pas une deuxième chance», intime le Sunday Times, qui rappelle que «l'Angleterre est une grande nation de rugby, pleine de gens avec les bonnes attitudes. Mais le mode opératoire de l'équipe nationale est bordélique, a laissé tomber la nation d'une manière horrible et cela ne peut plus arriver».

Et pour ceux qui seraient tentés de chercher un responsable ailleurs, chez l'ultime ennemi, l'arbitre français Romain Poite, le Sunday Times est catégorique. «Le départ de l'Angleterre n'a rien à voir avec lui et tout à voir avec ses faiblesses», d'ailleurs, «les arbitres français sont dans une phase ascendante». Sur Twitter, le journaliste du Daily Mirror Kevin Maguire se posait une question métaphysique : «En principe, on devrait dire que l'Angleterre rentre de la Coupe du Monde à la maison, sauf qu'on est justement à la maison. C'est embêtant».