Joe Schmidt «l’Irlandais», Vern Cotter «l’Ecossais», Warren Gatland «le Gallois». Et en comptant Steve Hansen le Black, on retrouve quatre coaches néo-zélandais en quarts de finale de la coupe du monde. Une consécration pour les stratèges du pays du long nuage blanc. Si la présence de Steve Hansen à ce stade est un non-événement, tant une élimination des Blacks en poule était inenvisageable, Schmidt, Cotter et Gatland peuvent savourer la récompense d’un travail de longue haleine. Et un atout supplémentaire dans leur quête pour obtenir l’un des deux postes les plus convoités du rugby, qui seront libres en 2017: sélectionneur des All Blacks ou entraîneur des Lions Britanniques.
Warren Gatland, l’âme galloise
L’histoire d’amour entre Gatland (photo AFP) et le Pays de Galles a commencé en 2007. Une idylle qui a connu une petite parenthèse en 2013 quand le stratège néo-zélandais est parti entraîner les Lions Britanniques. Avec le pays de Galles, Gatland c’est 83 matchs disputés, 42 victoires, 38 défaites et un match nul.
En 2007, après la Coupe du Monde en France, l'homme qui avait entraîné l'Irlande entre 1998 et 2001, récupère une équipe galloise aux abois, sortie dès les phases de poule par les Fidji. Six mois plus tard, il remporte un premier Grand Chelem ! Exploit réédité en 2012. En 2011, il amène les Gallois jusqu'en demi-finale face de la Coupe du monde, contre les Français. Son équipe réduite à 14 dès la 18e minute jeu, après l'exclusion du jeune capitaine Sam Warburton, s'incline finalement 9-8.
Cette année, alors que beaucoup voyaient le Pays de Galles s’arrêter avant les quarts de finale, il est sorti d’une poule extrêmement relevée en dominant l’Angleterre à Twickenham. Peut-on parler de surprise ? Avant la Coupe du Monde le Néo-Zélandais avait déjà assuré qu’il arriverait à s’extirper du groupe de la mort et qu’il fallait plus s’inquiéter pour l’équipe d’Angleterre que pour la sienne. Ce que tout le monde avait pris pour un grossier coup de bluff était, en fait, un avertissement. En 2015, les Gallois n’ont perdu que trois matchs : contre l’Angleterre en ouverture du Tournoi à Cardiff, contre l’Irlande en match de préparation et samedi dernier contre les Wallabies. Gatland réussira-t-il l’exploit d’amener une nation celte au titre de champion du monde ? Si ce n’était l’avalanche de blessures qui handicapent gravement leur équipe, les supporters gallois auraient pu l’espérer. Et même si elle reste sur une victoire face aux Boks, la marche semble bien trop haute pour une sélection diminuée à ce point. Et s’ils arrivent à gagner samedi, ce devrait être les All Blacks en demi… À moins que les Français ne leur donnent l’occasion de jouer la revanche de 2011 !
Joe Schmidt, le stratège irlandais
Joe Schmidt succède à Declan Kidney en avril 2013 et remporte dans la foulée son premier Tournoi des VI nations. En arrivant à la tête du XV du trèfle il ne découvre pas totalement le rugby irlandais. Passé par l’AS Montferrand, qu’il entraînait avec Vern Cotter, il a pris en main la province irlandaise du Leinster en 2010. Trois années en fonction, pas une sans un titre. Champion d’Europe en 2011 et 2012, la saison suivante, il est éliminé dès les phases de poule mais remporte, dans la foulée, le Challenge européen et la Ligue celte.
En peu de temps, il fait de l’équipe d’Irlande, cinquième du tournoi 2013 une des meilleures d’Europe. Sa méthode ? Il s’appuie sur les forces du rugby irlandais : la conquête, la conservation, le jeu au pied et l’efficacité. Ce cocktail a écœuré les Français samedi à Cardiff. Persuadés qu’il suffisait d’éliminer l’ouvreur Jonathan Sexton pour gagner, ils ont négligé une chose essentielle qui caractérise Joe Schmidt : son plan de jeu. Dans la tradition néo-zélandaise, il prend le dessus sur les hommes. Quand Madigan a remplacé Sexton rien n’a changé dans le jeu irlandais. Sur son premier ballon, le jeune ouvreur crée même une occasion d’essai que seule la maladresse de Keith Earls viendra annihiler.
Face à des Argentins qu’il a déjà battus deux fois avec l’Irlande, Schmidt tentera d’être le premier entraîneur à amener le XV du trèfle en demi-finale d’une coupe du monde. Il ne pourra pas compter sur son emblématique capitaine, Paul O’Connell, blessé contre la France, mais espère pouvoir aligner Jonathan Sexton. Avec qui il partage une relation étroite, ils se côtoyaient déjà au Leinster. En 2011, leur équipe est menée 22-6 à la mi-temps par Northampton en finale de la Coupe d'Europe. Les deux hommes prennent alors la parole dans le vestiaire. S'ensuivra l'une des plus belles remontées de l'histoire du rugby qui voit le Leinster s'imposer 33-22 avec 2 essais, 3 transformations et 2 pénalités de Sexton en quarante minutes. C’est sans doute dans ce match-là qu’il faut trouver le ciment de cette équipe. Une haine de la défaite qui leur permettra peut-être de porter l’Irlande là où elle n’a jamais été.
Vern Cotter, le sorcier écossais
L'homme qui a fait de l'AS Montferrand, éternel perdant et Poulidor du rugby, un champion de France ! Excusez du peu. C'est sans doute pour ça que les Écossais sont allés le chercher, en 2014. Quand on a réussi un tel miracle, on peut transformer une équipe qui bataille tous les ans pour éviter la dernière place dans le Tournoi des VI nations en prétendante au Grand Chelem. Sur son premier tournoi, la magie n'a pas pris. L'Écosse a ajouté à son palmarès une 16e cuillère de bois. Mais bon, avant de devenir champion de France, Cotter (photo AFP) avait subi trois revers en finale. Il faut laisser le temps à sa magie d'agir. C'est ce que doit se dire la fédération qui l'a tout de même reconduit. En Écosse, Cotter imprime rapidement sa patte. Un jeu de mouvements large-large qui colle très bien avec les qualités de cette équipe en déficit de puissance. Il alimente aussi la polémique en faisant appel à de nombreux joueurs non écossais. Le Néo-Zélandais John Hardie, ou les Sud-Africains WP Neil, Josh Strauss n'avaient jamais joué avec l'équipe du Chardon avant les matchs de préparation de cet été. Avec 11 joueurs étrangers dans son effectif, l'Écosse est une des formations qui en compte le plus. Mais Cotter ne passe pas son temps à analyser les arbres généalogiques de tous les joueurs du super-Rugby pour aller dénicher des pépites de l'autre côté du globe. Il s'appuie sur l'ossature des Glasgow Warriors qui viennent de remporter la Ligue celte. Avec 17 joueurs sélectionnés, c'est l'équipe la mieux représentée de la coupe du monde (deux joueurs de Glasgow jouent aussi pour les Fidji).
Dimanche, face à l’Australie, c’est plus qu’un miracle que le sorcier devra sortir de son chapeau. Si Vern Cotter a fait du bien à l’Écosse et lui a permis de retrouver une certaine efficacité offensive, le quart de final risque d’être difficile. Fragilisée par la suspension sévère de deux de ses joueurs cadres, l’Écosse reste sur deux rencontres peu convaincantes. Les matchs contre les Samoa et l’Afrique du Sud ont mis au jour de vraies carences défensives. Et ses deux victoires face au Japon et aux Etats-Unis ne se sont construites qu’en seconde période. Quoi qu’il en soit, se retrouver en quart de final est un plus pour la confiance des Écossais et devrait leur permettre de bien appréhender la suite. Après tout, Vern Cotter est en contrat jusqu’en 2017, peut être le temps suffisant pour enfin remporter un Tournoi !