Ça ressemble à une sorte d'assaut final, le croque-mort qui arrive non pas avec son double décimètre pour prendre les mesures, mais le marteau dans la main droite et les clous au coin de la bouche. Mardi, Michel Platini apprenait que sa candidature à la présidence de la fédération internationale (Fifa) ne serait examinée par la commission électorale de l'instance que courant janvier (l'élection aura lieu le 26 février, sauf report) c'est-à-dire à l'issue de sa suspension de 90 jours dans l'affaire des deux millions de francs suisses qu'il a touchés en 2011 pour un travail «prétendument effectué» (on cite la justice suisse) entre 1999 et 2002.
Une véritable incitation à la fuite de ses soutiens, puisqu'on voit mal ceux-ci patienter jusqu'en janvier pour miser sur un homme dont l'avenir à la tête de l'instance est pour le moins incertain. Cette avanie n'est cependant pas grand-chose au regard de ce qui est tombé sur la tête de Platini dans la nuit de mardi à mercredi : une interview de Domenico Scala, membre de la commission électorale, au Financial Times, où celui-ci lui porte possiblement le coup le plus rude depuis que l'affaire des deux millions est sortie.
«Omission sérieuse»
Scala pointe deux choses. D'une part, quand Platini a été payé par la Fifa en 2011, il était membre du comité exécutif de l'instance ès qualités puisque le président de l'Union européenne de football (UEFA) l'est de droit et que Platini en est le président élu depuis 2007. Descendez, on vous demande : possible conflit d'intérêt avec abus de biens sociaux, par-dessus le marché. Deuxième point : aucune trace des deux millions versés dans les comptes de la Fifa, selon Domenico Scala. Qui précise : «C'est une omission sérieuse, et les deux parties [Platini et Sepp Blatter, le président de la Fifa, qui a juré la perte du Français] étaient membres de la commission exécutive et devaient, à ce titre, valider les comptes chaque année, comptes auxquels il manquait deux millions de francs suisses donc.»
Voilà donc le faux en écriture et la falsification sur la table, équitablement partagés entre Blatter et Platini. Et une question subsidiaire : d’où sortaient les deux millions, si ce n’est des comptes de la Fifa ? D’une caisse noire ? Au sein de l’instance ?
C’est le chaos. C’est Scala qui s’exprime, c’est-à-dire la Fifa, et non la justice suisse : un acte lourd de sens, qui dit que l’instance rajoute en quelque sorte quelques couches au mille-feuille du dossier visant à tuer politiquement Platini. Par ailleurs, Scala est considéré comme un homme de Blatter, qu’il entraîne ici dans la tombe creusée pour Platini : est-ce qu’il roule désormais pour lui ? Dit autrement : y a-t-il encore quelqu’un qui dirige l’instance ?