Le vétéran Daniel Carter affronte un jeune premier, encore un. A Cardiff, après avoir désossé le XV de France, offrant de quoi becqueter à toute sa ligne d'arrières, on l'a vu se pointer dans une chemise blanche immaculée, quelques rides naissantes sur le front et des certitudes encore plus marquées. « Il est incroyable, tu as l'impression qu'il joue comme ta grand-mère, s'emballe Yann Delaigue, ancien ouvreur tricolore. En fait, il est dans l'analyse permanente, il regarde comment se positionne la défense adverse et trouve la faille. Il accélère deux ou trois fois par match et il est alors terrible d'efficacité. Vous avez vu comment il a mis Pascal Papé sur le cul avant de faire une chistera pour Julian Savea ?» A 33 ans, le corps de Carter grince depuis des saisons, la critique néo-zélandaise, intransigeante, le mitraille plus facilement. Sur la phase de poules, il a fait grogner quelques observateurs. «Alors qu'il appliquait juste les consignes, confie Andrew Mehrtens, l'ancien ouvreur blondinet des Blacks, en référence aux mots d'ordre du staff de ne pas jouer au pied. Mais quand il reprend ses aises, il est fantastique de précision.» A l'image de ce drop cinglant en demie.
Face à lui, Bernard Foley, auteur de la prestation la plus magistrale du tournoi, 28 points dont deux essais sublimes face à l'Angleterre (33-13). «Il a fait un début de Coupe du monde tonitruant, juge Delaigue. Puis il est passé à côté en quarts, avant de se reprendre en demie. Sa passe tendue de 25 mètres pour Ashley-Cooper sur le deuxième essai australien, pfff, rien à dire, c'est juste parfait.»
Surnommé «Iceman», pour son côté carré et ses pénalités enquillées à la chaîne, Foley s'inscrit parfaitement dans le projet australien, porté par le clinique Stephen Larkham, champion du monde en 1999 et coach des lignes arrières. «C'est du rugby récité, mais terriblement bien, sourit Delaigue. Foley s'adapte aux schémas, et y rajoute une touche d'intuition quand il faut.» Pas sûr que l'omniscient Carter ne le voie pas venir à cent bornes.