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Accusations de dopage: Moscou entre complotisme et bonne volonté

Les autorités sportives russes ont réagi aux accusations contenues dans le rapport de l'Agence mondiale antidopage.
Le ministre russe des Sports Vitali Moutko, le 18 septembre 2015 à Moscou (Photo KIRILL KUDRYAVTSEV. AFP)
publié le 10 novembre 2015 à 9h31

«Moutko ne pouvait pas ne pas être au courant. Et s'il savait, alors il en a été complice.» Les accusations tonitruantes formulées par la Commission indépendante de l'Agence mondiale antidopage (AMA) – visant ici le ministre des Sports, Vitali Moutko – ont fait réagir lundi soir en Russie. «Le sport russe brûle en enfer», titrait le site internet Sports.ru, détaillant «l'histoire de dopage la plus retentissante de l'histoire russe». Le rapport de l'AMA juge notamment que les JO-2012 de Londres ont été «sabotés» par la présence d'athlètes dopés et recommande la suspension à vie de cinq athlètes féminines russes dont la championne olympique du 800 mètres Mariya Savinova. Plus grave, il recommande la suspension de la Russie de toute compétition en athlétisme, dont les futurs Jeux de Rio.

Le Kremlin a mis près de vingt-quatre heures à réagir. Ce mardi matin, il a jugé  «infondées» les accusations de l'AMA. Jusque là, Vitali Moutko était seul au front. S'il se dit prêt «à travailler avec n'importe quelle commission, pourvu qu'elle soit impartiale», le ministre estime que l'AMA «n'a pas le droit» de suspendre la Russie. «On ne peut pas faire porter tous les problèmes de l'athlétisme sur la Russie», a-t-il protesté sur R-Sport, site du groupe de presse Rossiya Segodnyia. De son côté, la Fédération russe d'athlétisme a tenté de calmer le jeu en publiant un communiqué consensuel. «Un partenariat réel et honnête (avec la Fédération mondiale d'athlétisme) est bien plus efficace que n'importe quel évincement ou isolement.»

A la question «Le sport russe est-il propre ?» posée sur Sports.ru, près de 70% des 14.000 votants répondent par la négative. Le sondage est anecdotique mais dénote le peu de crédit accordé aux institutions sportives nationales. Certains voient cependant dans ce rapport un complot ourdi contre la Russie. «Tout cela sent la commande politique et rien d'autre», estime Artiom Patsev, juriste de la Fédération russe d'athlétisme. «C'est la raison pour laquelle l'information est donnée sous forme de recommandation. S'il y avait matière à exclusion, ils l'auraient fait depuis longtemps.» Sur la chaîne LifeNews, le président de l'Agence russe antidopage, lourdement mise en cause pour la destruction de plus d'un millier d'échantillons sanguins, Grigori Rodtchenkov, reprend le même argument et s'attaque à l'AMA, «trois imbéciles qui n'ont aucune idée de la manière dont fonctionne le laboratoire (antidopage)».

Par ailleurs, le rapport liste quatorze recommandations à suivre par les autorités russes pour assurer l'indépendance du programme antidopage. La Fédération internationale d'athlétisme donne jusqu'à la fin de la semaine à la Fédération russe pour répondre aux accusations. Le ministre des Sports a promis des explications. Le président de la Fédération russe, Vadim Zelitchenok, réclame plus de temps : «Il s'agit quand même d'un texte de 300 pages en langue étrangère, et l'affaire est grave. Mais nous exprimerons notre position, bien entendu.»