Ce vendredi midi, il fait très chaud dans les tribunes de la piscine Jean-Bouin, à Angers, le théâtre des championnats de France de natation en petit bassin. On arrive à la 22e et dernière série du 100 m nage libre, le public s'est fadé une attente interminable et découvre que le plot de la ligne 4, celui du «King» Manaudou, est vide. Il faut aller à la pêche aux explications. Manaudou a le mérite d'être concis : «Je n'avais pas envie.» Voilà son coach au Cercle des nageurs de Marseille (CNM), Romain Barnier. Il dit froidement : «Je ne cautionne pas ce comportement, je le trouve indigne d'un champion olympique, indigne d'un membre de l'équipe de France, de quelqu'un qui représente beaucoup pour les nageurs français. Je désapprouve ce choix, je vais lui signifier de manière forte et sans émotion, quand ce sera le moment propice. Avec Florent, c'est plus souvent "non" que "oui", ce n'est pas un caprice, c'est un "non" ancré profondément en lui.» Les entraîneurs de Manaudou le manient avec précaution. «La clé, c'est de ne pas l'emmerder», nous disait Nicolas Manaudou, son premier coach, l'été dernier. «Si tu lui laisses trop de liberté, il se noie, si tu ne lui en laisses pas assez, cela l'étouffe», ajoutait Thomas Sammut, le préparateur mental du CNM.
En fait, Manaudou n'a pas du tout aimé sa performance sur 50 m libre, jeudi. Même s'il a remporté le titre, il a pris un coup de bambou. «J'ai longtemps cru que j'allais perdre, a-t-il soupiré à la sortie du bassin. Ça fait chier. Je suis à une seconde de mon chrono [20"26, le record du monde, ndlr].» Barnier : «Il ne supporte pas la défaite, au point de l'éviter, plutôt que de l'affronter. Le mec normal s'accroche, pas le mec différent. Quand ça ne va pas comme il veut, il est prêt à s'arrêter au nez de la terre entière.» Avec Florent, comme avant avec sa sœur Laure, on ne s'ennuie jamais, et on réfléchit aussi beaucoup : sur l'image fantasmée du champion, sur l'épanouissement réel d'un athlète, sur les sentiers périlleux de la gloire.