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Histoire

Fifa : encore raté pour Platini

Le tribunal arbitral du sport a confirmé vendredi la suspension de l’ancien numéro 10 des Bleus, qui ne pourra participer au tirage au sort de l’Euro ce week-end.
publié le 11 décembre 2015 à 19h06

Le piège se referme un peu plus chaque jour sur Michel Platini, candidat à la présidence de la Fédération internationale de football (Fifa) suspendu de toute fonction par la commission d'éthique de l'instance zurichoise dans l'affaire du 1,8 million d'euros qui lui avait été versé en 2011 dans le cadre d'un travail «prétendument effectué» (on cite la justice suisse) entre 1998 et 2011. Vendredi, le tribunal arbitral du sport (TAS), devant lequel l'ancien numéro 10 des Bleus avait fait appel de la sanction, a confirmé cette suspension courant jusqu'au 5 janvier. Du coup, jusqu'à cette date, Michel Platini ne pourra toujours pas assumer ses fonctions de président de l'Union européenne de football (UEFA), ce qui le privera du tirage au sort de l'Euro 2016 prévu samedi au Palais des congrès de Paris. Ni faire campagne pour prendre la tête de la Fifa, l'élection se tenant (si elle se tient vraiment, le rythme démentiel des interpellations et suspensions parmi les présidents de fédération laissant planer un doute) le 26 février.

Pourquoi le TAS a-t-il rejeté l’appel de Platini ?

«Le tribunal arbitral du sport a déterminé que le maintien de la suspension provisoire en cours n'était pas susceptible de causer un dommage irréparable à Michel Platini pour le moment», a justifié l'instance d'arbitrage. Elle n'avait pas à se prononcer sur le fond : elle a tranché sur le fait de savoir si oui ou non le Français subissait un préjudice «irréparable» dans sa course à l'élection de la Fifa. Et c'est non. En revanche, le TAS a interdit à la commission d'éthique d'activer la «réserve» de quarante-cinq jours de suspension : «Une telle prolongation constituerait une restriction excessive et injustifiée du droit de Michel Platini d'accéder à la justice et lui causerait un dommage irréparable», en vue du scrutin du 26 février.

La Fifa a-t-elle manœuvré en amont de la décision du TAS ?

Sans doute. Jeudi, soit la veille de la décision du TAS, la commission d'éthique faisait savoir qu'elle annoncerait une probable sanction sur le fond «avant Noël», sa chambre de jugement devant entendre Michel Platini le 18 décembre. On lui prêtait l'intention de faire éternellement lanterner le Français : en indiquant qu'elle abattrait son bras séculier dans dix jours, elle donne la garantie que l'affaire sera réglée avant la fin de la suspension et que Platini pourra faire campagne s'il est innocenté.

Dès lors, le tribunal arbitral du sport n'avait aucune raison de revenir sur la suspension : deux semaines de campagne de plus ou de moins ne changeant rien à l'affaire, du moins en théorie. On note que la possibilité d'activer la «réserve» de quarante-cinq jours, justifiée par la commission d'éthique par «d'éventuelles investigations supplémentaires», tombait d'elle-même puisque le verdict sera antérieur au 5 janvier. Dit autrement, la Fifa avait préalablement désarmé le TAS.

Que va-t-il se passer ?

La chambre d’instruction de la commission d’éthique a plaidé pour un bannissement à vie du Français. On serait surpris que la chambre de jugement lui mette moins de cinq ou six ans de suspension, sauf à vouloir au tout dernier moment laisser Platini en vie alors qu’on s’est ingénié à l’étouffer jour après jour depuis des mois. Sanctionné, le Français devrait se pourvoir à nouveau devant le TAS, qui statuerait alors sur le fond. A quitte ou double.

Quel préjudice pour Platini à ce stade ?

L’audition de l’ancien joueur, mardi devant le TAS, a été viscérale, à très forte charge émotionnelle. Un témoin a même eu du mal à reconnaître celui qui arrachait en 2007 l’UEFA des mains du Suédois Lennart Johansson. Platini y a été implorant, demandant au TAS de lever sa suspension ce week-end quitte à lui mettre un coup de massue dès lundi pour pouvoir participer au tirage au sort de l’Euro 2016 de samedi : une compétition organisée dans l’Hexagone, tout comme ce championnat d’Europe 1984 qui vit les Bleus remporter leur premier tournoi international sur les ailes d’un Platini alors meilleur joueur du monde, auteur de neuf buts (personne n’a jamais fait aussi bien) en cinq matchs de phase finale.

Dans l'idée du Français, ce tirage au sort, c'était manifestement la dernière cigarette du condamné. C'est dire son état d'esprit, aujourd'hui plus proche du «qu'on lave au moins mon honneur, je me fous du reste», voire du «qu'au moins on ne me retire pas ce football qui a toujours été ma vie», que du mental de para nécessaire à la conquête d'une fédération internationale coiffant des millions de pratiquants sur cinq continents. Préjudice sentimental (l'Euro 2016 était un peu le sien), préjudice au moral : le TAS a eu beau estimer qu'il n'y avait pas de dommage «irréparable», Platini subit également un préjudice politique avec cette non-levée de suspension. C'est le candidat de substitution de l'UEFA à la présidence de la Fifa, le secrétaire général Gianni Infantino, alias «le chauve des tirages au sort», qui claquera des bretelles samedi au Palais des congrès à sa place : faute de visibilité, Platini perd des soutiens au fil du temps, l'idée qu'il n'est pas taillé pour le rôle faute de caractère étant désormais ancrée dans l'esprit d'une majorité de votants européens. En principe, le comité exécutif de l'UEFA lui est encore fidèle. Mais ce genre de considération occupe-t-elle encore l'esprit de Michel Platini ?