Vu de France, l'année tennistique aura été dominée par le retour aux manettes de l'équipe de Coupe Davis de Yannick Noah, inséré dans une dynastie de serial winners - son père footballeur Zacharie a gagné une coupe de France, son fils Joakim est le plus grand pivot de l'histoire du basket hexagonal - laissant augurer une génétique de la gagne indépendamment de la discipline où elle s'exerce. Cet éclat médiatique incomparable est sans doute injuste (face au futur vainqueur, le Suisse Stanislas Wawrinka, Jo-Wilfried Tsonga est passé à quelques points d'une finale à Roland-Garros en juin), il vaut son pesant de nostalgie mais bon, on prend acte.
Reste que depuis son intronisation, ça part dans tous les sens : c'est Tsonga qui, sur les brisées de son vrai-faux forfait lors de la finale de la Coupe Davis 2014 perdue face aux Suisses, explique que le précédent capitaine était un tocard et qu'un ex-sixième mondial (lui) est autre chose qu'une assistante sociale pour partenaire de double en détresse. C'est le partenaire de double en question (Nicolas Mahut) qui chouine par voie de presse sur l'ingratitude des hommes. C'est Richard Gasquet qui, en marge d'une opération de sponsoring, explique que quand un joueur du calibre de Tsonga dit certaines choses, un joueur de la dimension de Mahut doit les écouter sans broncher. Et c'est Yannick Noah qui, à la surprise générale, balance dans Tennis magazine qu'il a failli tout laisser tomber en novembre, au moment où il usinait pourtant pour que le premier tour de l'édition 2016 soit organisé à Baie-Mahault, en Guadeloupe.
On aurait tort de sous-estimer ce qui se trame. Noah porte plus que lui-même : il vient d’un temps où les champions charriaient une forme de projet collectif, à commencer par le fait de mettre à la portée du public français ce sport de haut niveau appréhendé naïvement par les uns, méprisé par les autres et inconnu pour tout le monde.
Rapporté au tennis ultra-individualiste des années 2000, où le joueur disparaît derrière une palanquée de collaborateurs (communicant, entraîneur, diététicien, préparateur mental…) et où il pèse ses efforts au gramme près, on demandait à voir si cette magie ancienne pouvait réveiller quelque chose d’un destin commun entre le joueur et son audience. Les récriminations en série (et publiques, Noah enfreignant comme les autres la règle du «ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire») montrent que ça part mal. Et laissent paraître une forme de désinvolture : si les échecs passés n’ont pas été digérés, c’est qu’ils n’ont pas été débriefés. La question n’est dont pas «qu’est-ce qui se passe ?» mais plutôt «est-ce qu’il se passe quelque chose ?» Au regard de l’enjeu, cette seconde interrogation est plus douloureuse encore.