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Libération
Adages de saison (5/5)

Ben Arfa et Diarra, on peut être et avoir été

Des joueurs aux entraîneurs, des clubs les plus friqués aux moins dotés, «Libération» raconte en proverbes et antiproverbes le championnat de foot français. Cinquième étape de ce bilan avec le fantasque niçois et le guerrier marseillais.
Hatem Ben Arfa et Lassana Diarra avec Didier Deschamps, le 12 novembre, au Stade de France. (Photo Franck Fife. AFP)
publié le 30 décembre 2015 à 10h22

Une équipe comptant 19 points d'avance sur son dauphin à mi-parcours, ce qui lui garantit un quatrième titre de champion de France de rang, des arbitres qui dégainent les cartons rouges comme s'ils étaient assortis d'une prime (66 contre 32 la saison passée à ce stade), des entraîneurs qui bricolent et des joueurs qui ressuscitent… Cinquième des cinq proverbes – ou anti-proverbes – concoctés par Libération pour raconter la première moitié du championnat de France à l'heure de la trêve hivernale :

Hatem Ben Arfa, la résurrection par la rédemption 

Une petite année sabbatique et les voilà qui retrouvent l'Equipe de France. Après une saison 2014-2015 à zéro match pro, passée à potasser le droit du travail et la résolution des litiges, Hatem Ben Arfa (Nice) et Lassana Diarra (Marseille) ont rallumé la flamme souvent vacillante de la L1. Petit, le premier aimait la sauce harissa de maman dans ses sandwiches d'après-match et il a pris l'habitude d'épicer tous les vestiaires où il a transité (Lyon, Marseille, Newcastle, Hull City). «J'ai changé», répète Ben Arfa à chaque interview, comme s'il devait donner des gages à tout le milieu. Claude Puel, l'entraîneur azuréen, se moque bien des déclarations d'intention, et il s'est contenté d'une simple offrande pour son brillant meneur : de l'attention.

Cela a donné sept buts et deux passes décisives lors des dix premières journées et des inspirations de toute beauté. Depuis la mi-octobre, les gazettes du mercato l'envoient un peu partout en Europe et Ben Arfa plafonne quelque peu. Emballement général difficile à digérer ou logique contrecoup physique après une saison sans jouer ? Les deux peut-être, avec Ben Arfa, tout est fragile comme du cristal. «Un jour, je t'expliquerai pourquoi il est toujours sur le fil», nous a promis un de ses premiers éducateurs en Ile-de-France, en juillet 2010. On attend toujours et le mystère Ben Arfa demeure. Tant mieux, car son talent confine aussi à l'irrationnel.

Lassana Diarra, la résurrection par l'abnégation

Avec Lassana Diarra, au contraire, on décortique une calculette Casio du football. Le moindre dribble, la moindre passe, la moindre récupération, la moindre intervention auprès de l’arbitre (voix douce, mains dans le dos) est pensé et fait partie d’un plan global. Privé de terrain depuis mai 2014 et une ultime apparition avec le Lokomotiv Moscou, Diarra a écumé les salles de muscu et les terrains de futsal, ne doutant jamais de ses qualités et d’un retour au sommet. Il est ainsi : il s’est toujours construit dans l’adversité réelle (à l’adolescence) ou inventée (depuis ses 20 ans, les plus grands coaches lui mangent dans la main).

Avec l'OM, il réalise une première partie de saison indécente, d'autant plus visible au sein d'un collectif brinquebalant. Diarra regarde l'abattage de certains coéquipiers, notamment d'Ocampos, avec la même circonspection qu'un bambin parisien de cinq ans lors de son baptême à la ferme. Il couve son ami Abou Diaby, également arrivé l'été dernier à l'OM, qui rêve de cesser ses séjours longue durée à l'infirmerie. Le convalescent Diaby ressemble à Yoann Gourcuff, il somatise, et ce n'est pas un hasard que Diarra se soit entiché de cette personnalité très douce, il y a bientôt une décennie. «Si Diaby fait son retour, Lassana, avec son soutien indéfectible, en sera une des raisons principales», confie un membre du staff olympien. A 30 ans, Diarra rappelle chaque jour à Diaby qu'on peut être et avoir été.

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