Zinédine Zidane qui embrasse la carrière d’entraîneur, c’est l’enfant-roi : pas une ex-connaissance - parfois lointaine, on en connaît qui ont tenu le crachoir d’un ton docte en lui donnant du «Yazid» ou du «Zizou» alors qu’ils n’ont pas croisé le maestro depuis dix ans - qui n’ait expliqué depuis lundi soir que l’ancien numéro 10 des Bleus allait faire un malheur au Real Madrid.
Dans ce concert, Lilian Thuram aura été sur RTL le plus juste et le plus précis : «Zidane s'en sent capable et je crois que c'est ce qu'il y a de plus important. Moi, je sais qu'il a le caractère pour. Ce genre d'homme est attendu au tournant depuis l'adolescence. Il a montré qu'il savait composer avec le regard des autres.» C'est vrai. Pour le reste, aucun des ex (joueurs, entraîneurs, relations) qui a promis une vie de cocagne au Madrilène ne sera comptable de ce qu'il a raconté à l'heure du bilan. Ils savent que l'espérance de vie de ce qu'ils racontent ne dépasse pas le temps médiatique du foot : quatre heures. Thuram, lui, mesure le poids d'un homme qui l'avait sorti de force de sa retraite internationale («tu reviens ou je te fais suspendre en club») en août 2005 sans même prendre la peine de lui passer un coup de fil. Zidane hiérarchisant ensuite la maison tricolore à vitesse grand V avec ses lieutenants (Fabien Barthez, Claude Makelele), ses auditeurs libres contraints au silence (Thierry Henry), son petit protégé (Franck Ribéry) et la masse anonyme des autres.
Alors, Zidane au Real ? Pour un coach, il y a un côté loterie. Quand Pep Guardiola a pris l’équipe première du FC Barcelone en 2008, il a essayé de virer l’attaquant Samuel Eto’o, qui le méprisait. Il n’y est pas parvenu et Eto’o a mis 35 buts qui ont permis aux Catalans de remporter un championnat d’Espagne et une Ligue des champions sur lesquels l’actuel entraîneur a bâti sa crédibilité, son palmarès et une idée du beau qui a tout écrasé. S’il avait réussi à virer Eto’o, Guardiola n’en serait peut-être pas là. Quand Claude Puel arrive à Lille en 2002, il se retrouve dans une ornière dont le sortira un attaquant bulgare embauché sur vidéo (!), Vladimir Manchev, qui disparaîtra aussi vite qu’il est venu. Trois ans plus tard, Puel emmènera la modeste équipe nordiste en Ligue des champions, y gagnant une réputation de bâtisseur qui le porte toujours.
Le foot vu depuis le banc : des circonstances, un joueur qui passe au bon moment, une compétition qu’on gagne parce que les autres ont faibli. Cette part de réussite vaudra pour Zidane comme pour les autres coachs. Ça change des contes de fées et des destins dorés sur tranche. Mais c’est le sport.