Lundi, à Zurich, le suspense envahit le palais des Congrès, des gouttes de sueur perlent sur la tempe de Lionel, dit «Leo». A-t-il choisi le costume Dolce&Gabbana le plus seyant, après quelques erreurs de jeunesse ? Sa compagne, Antonella Roccuzzo, sera-t-elle à l’aise avec Cristiano Ronaldo, pas trop pour que le Portugais ne s’enflamme, suffisamment pour qu’il lui reconnaisse la politesse d’une reine ? Au moins, pour décompresser un peu, ce Messi anxieux peut-il se raccrocher aux fondamentaux sportifs, à ce cinquième ballon d’or qu’il savait certain. Messi ? «Mais non !», répondent les officiels de la Fifa au courant de la nouvelle, avec un sourire les trahissant. Depuis 2008, la récompense la plus glorieuse du football mondial n’échappe pas au duo Ronaldo (2008, 2013, 2014) - Messi (2009, 2010, 2011, 2012, 2015). Ils ont encore quelques beaux jours devant eux : le Portugais aux abdos ciselés a 30 ans, l’Argentin au sourire béat 28. Et la suite est connue, elle a les traits juvéniles et la coupe de cheveux baroque de Neymar. A 23 ans, il en est déjà à 69 sélections et 46 buts et, sans avoir l’efficacité outrancière de son aîné, il dépassera rapidement les statistiques brutes du roi Pelé (92 sélections et 77 buts). «Une année de Coupe du monde ou d’Euro, avec un joueur majeur au sein d’une équipe nationale, la donne peut changer», assurent certains éditorialistes, comme le tumultueux Daniel Riolo (RMC). A voir. Le milieu espagnol Andres Iniesta en 2010 ou le gardien allemand Manuel Neuer en 2014 ont échoué à briser l’hégémonie du duo, alors qu’ils ont été sacrés champions du monde tout en faisant progresser les codes du jeu à leurs postes respectifs.
Ces dernières saisons, le ballon d’or a provoqué des débats intéressants. Sur la réforme du scrutin : le vote (depuis 2010) des joueurs et sélectionneurs est-il plus pointu que celui des journalistes ? Derrière les cas de copinage, quelles sont les mœurs et visions de ce sport reflétées par leurs choix ? Sur l’essence du foot : est-ce d’abord une affaire collective ou individuelle ? La naissance doit-elle primer sur le talent pur, selon qu’on soit hondurien ou allemand, avec des probabilités aléatoires de briller en Coupe du monde ? La NBA (une ou deux stars dans l’équipe, le reste de soutiers) est-elle l’aboutissement logique, au niveau du terrain comme du marketing ? Messi et Ronaldo amassent, ces sujets s’étiolent. Un ballon d’or d’honneur (mérité) avant leur retraite, une limitation du nombre de trophées par personne, et on repart ? Des joueurs comme Paul Pogba ou Luis Suárez méritent mieux que d’étaler à Zurich costards de sapeur et sourires carnassiers.