Le premier tournoi de tennis du Grand Chelem de la saison a débuté à Melbourne (Australie) et le grand public manquera comme de coutume une partie du spectacle. Pas la moins passionnante : celle qui se joue en coulisse autour des meilleurs joueurs du monde et des tours de force athlétiques qu'ils infligent à leur corps deux semaines durant, prétextes à supputations peu amènes sur des régimes miraculeux supposés cacher «quelque chose» - comme les combinaisons ont crédibilisé l'explosion des chronos en natation - et à l'emploi de termes connotés, du genre «hors norme», «hallucinant», «autre chose que du tennis» (là on cite un joueur français), etc. Le tennis et ses têtes de pont vivent avec ça à l'année sans problème : faute de preuve et même d'indice (du genre suivi longitudinal), les questions dérangeantes sont épargnées à Roger Federer et consors lors des conférences de presse. Quant aux édiles, ils se tapent sur les cuisses à chaque fois qu'un des leurs, pour détendre l'atmosphère, lance le mot «dopage» à la cantonade. Epinglées en 2013 pour leur gestion à minima du problème par une commission sénatoriale française qui leur a octroyé une sorte de bonnet d'âne tous sports confondus, les instances du tennis ont réussi un coup exceptionnel : vivre médiatiquement loin des processus médicamenteux délictueux (au regard des règles de l'Agence mondiale antidopage) qui ont décrédibilisé le cyclisme avant de détruire l'athlétisme morceau par morceau, les lancers d'abord, le sprint ensuite, le demi-fond enfin. Ces gars-là ont trouvé la pierre philosophale : moins tu en fais en matière de lutte antidopage, moins on t'emmerde. Le foot a aussi trouvé la martingale : un dernier cas de dopage en Coupe du monde remontant à 1994 alors qu'une équipe sur le podium de l'édition 2010 avait 20 joueurs sur 23 couverts par une autorisation thérapeutique permettant de prendre un produit en principe interdit, il faut saluer les artistes. Dans le cas du tennis, après tout, c'est injuste pour les champions : ils vivent dans une suspicion qu'ils n'ont en principe pas méritée, les doutes récurrents concernant Rafaël Nadal - véhiculés un temps par l'actuel patron de l'équipe de France de Coupe Davis, Yannick Noah en personne - ayant poussé l'Espagnol à expliquer, par exemple, qu'il était quinze fois plus contrôlé que l'icône absolue du tennis, le Suisse Roger Federer, ce qui a poussé le landerneau à s'interroger sur le degré de protection dont bénéficiait le maestro. Encore faut-il lier le nombre de contrôles à la volonté de combattre le dopage : Lance Armstrong aura montré que, faute de voir des types tomber en série, la lutte antidopage était là pour crédibiliser les performances de ceux qui se dopent. On en est là. A part ça, sympa de voir les joueurs (et joueuses) de tennis vivre leur vie sans secousse extra-sportive. Les cyclistes - qui peuvent désormais être contrôlés en pleine nuit - ou les haltérophiles - rayés de la carte par équipes nationales entières - doivent être bien contents pour eux.
Éditorial
Dopage : le bon deal du tennis
publié le 17 janvier 2016 à 19h41
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