«L'éventail des techniques de corruption à disposition des criminels est presque sans limite, puisqu'il apparaît depuis peu que des matchs amicaux fantômes ont été organisés par des organisations frauduleuses dans le seul but de tromper le marché des paris», pouvait-on lire en 2012 dans le livre blanc sur les paris truqués publié par l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris, 1).
De fait l’imagination des pourrisseurs de matchs ne connaît pas de limites. Ainsi d’improbables matchs de foot Lettonie-Bolivie et Estonie-Bulgarie se déroulèrent-ils en Turquie en février 2011. Ils se soldèrent sur les scores de 2-1 et 2-2. Ça tombait bien, dans quelques officines asiatiques on avait parié sur le fait qu’au moins trois buts seraient marqués dans chacune des rencontres. Détail croquignolet, chacun de ces sept pions fut inscrit sur penalty, dont un raté et donné à retirer. Explication : les matchs avaient été organisés par un Singapourien qui s’était chargé de tout, notamment de recruter les arbitres.
Quelques mois plus tôt, un de ses compatriotes, Wilson Raj Perumal, avait monté un Bahreïn-Togo que les joueurs de l’émirat avaient remporté 3-0. La faiblesse des adversaires avait estomaqué le coach des vainqueurs. Et pour cause, en guise d’Eperviers togolais, Perumal avait bâti une équipe d’amateurs recrutés pour la circonstance.
Projecteurs. En termes d'inventivité, la palme revient aux parieurs asiatiques qui, en 1997, s'étaient offert les services de salariés de stades anglais. Quand était atteint le score sur lequel ils avaient misé, les techniciens coupaient purement et simplement les projecteurs, interrompant le match et entérinant le résultat.
Orfèvre ès vérolage, l'homme d'affaires chinois Zehyun avait résolu les problèmes d'intermédiaires. Il arrangeait les résultats de matchs disputés par des équipes dont il était propriétaire ou actionnaire en Belgique et en Finlande. L'homme était prodigue : il payait jusqu'à 100 000 euros pour qu'un joueur lève le pied. «La facilité avec laquelle cet entrepreneur mafieux a pu intégrer le milieu du football belge est inquiétante», euphémisait l'Iris dans son livre blanc. En foot toujours, l'un des plus gros scandales a éclaté en 2011, en Italie. A l'origine, un match de 3e division entre la Cremonese et la Paganese. L'enquête prouvera qu'à la mi-temps, le gardien de Crémone a versé du somnifère dans le thé glacé de ses coéquipier.
Si l’on recense les histoires les plus retentissantes, les matchs phares du sport planétaire numéro 1 n’ont pas l’apanage de la corruption. Au contraire : si le journaliste canadien Declan Hill a émis des doutes sérieux sur l’intégrité du Ghana au Mondial 2006 (2), c’est dans les divisions inférieures des championnats de seconde zone, sur des rencontres qui n’intéressent que les joueurs qui les disputent, que les corrupteurs peuvent réaliser des gains extravagants.
Fléchettes. Et il n'y a pas que le foot dans leur ligne de mire. On a connu des affaires dans à peu près tous les sports : du basket universitaire américain au handball allemand, du base-ball au cricket en passant par les fléchettes et le… billard. John Higgins, quadruple champion du monde, avait accepté 300 000 euros pour perdre quelques parties. Pas de pot pour lui, les corrupteurs étaient des journalistes qui voulaient le piéger.
(1) Paris sportifs et corruption : comment préserver l'intégrité du sport. (2) Comment truquer un match de foot (2008).