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Libération
EDITORIAL

Illisible

publié le 18 janvier 2016 à 19h51

Le 18 juin, lors du procès du match truqué entre Montpellier et Cesson-Rennes ayant valu à la superstar du hand Nikola Karabatic une condamnation pour escroquerie, les assesseurs de justice ont fermé les rideaux pour plonger la salle d’audience dans le noir. Puis, les présents - juges, témoins, public - ont studieusement scruté les faits et gestes des joueurs incriminés in situ, c’est-à-dire en plein match. Deux experts autoproclamés sollicités par la justice, un ex-arbitre international et un agrégé d’éducation physique, parlent d’abord d’«un début de match catastrophique avec des chiffres compatibles avec l’hypothèse d’une carence de jeu». Avant de rendre les armes : «On est incapables de savoir si c’était de la méforme ou un match truqué.» Quand Karabatic a pris la parole ensuite, il n’a pas eu pitié des deux hommes : «Pas facile de se dire expert en matière de handball.» La part de la malignité est indébrouillable de celle de la maladresse : pour passer leur vie à gagner quelques centièmes de seconde de perception, de déplacement ou de reprise d’appui, les sportifs le savent mieux que personne. En plus de ça, au niveau investissement, c’est toujours un peu plus ou un peu moins selon les circonstances (match important ou pas, souci de ne pas se blesser, envie de couper quelques jours si on est éliminé prématurément…), comme l’a rappelé le tennisman français Gilles Simon lundi depuis Melbourne : «Moi, si j’ai envie de balancer un match, je fais encore ce que je veux sur le terrain.» Dès lors, si l’on comprend bien, le problème ne survient que quand on est payé pour. Ce qui renvoie au hors-champ, et aux investigations policières : l’aire de jeu appartient quant à elle aux acteurs et elle est, à ce titre, illisible. Roger Federer demandait «des noms» lundi : en l’absence d’investigations, c’est impossible. Et ça, l’icône absolue du tennis le sait parfaitement.