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Libération
Récit

Le foot à la pointe de l’arnaque

Si le tennis avait jusqu’à présent été plutôt épargné par les affaires, le football, lui, avait déjà fait ses preuves en matière de tricherie.
publié le 18 janvier 2016 à 19h51

C’est un but contre son camp visible sur YouTube qui a déjà fait cent fois le tour du Net. Un but qui dit aussi à peu près tout de la problématique des matchs truqués dans le foot, tout en montrant précisément les limites de la lutte contre ce genre d’arrangement : lors d’un anonyme Bari-Lecce (0-2, le 15 mai 2011) du championnat italien, le défenseur de Bari Andrea Masiello trébuche maladroitement et dévie un ballon dans le petit filet de son propre but, à quelques centimètres du poteau gauche.

Malignité. Une interprétation de haut niveau tant la malhabileté du défenseur, apparemment harassé (on est dans les arrêts de jeu), est crédible. Mais Masiello avouera la malignité de son geste et sera suspendu trois ans, dans le cadre du Calcioscommesse, une gigantesque affaire de matchs truqués par des mafias italiennes et albanaises : une cinquantaine de rencontres concernées (surtout en 2e ou 3e division où les joueurs, moins bien payés que ceux de l'élite, sont plus vulnérables), des sites de paris asiatiques où 2 à 5 millions d'euros vont se porter sur un seul match… Le Calcioscommesse est, à ce jour, la plus grosse affaire à être sortie en Europe.

L'Allemagne et la Belgique ne sont pas en reste : la première a dû faire face à l'affaire Robert Hoyzer, un arbitre dépressif aux mains d'une mafia croate qui lui a donné 70 000 euros pour manipuler des matchs ; la seconde a été le théâtre de l'affaire Zehyun Yé, du nom d'un businessman chinois qui - avec d'autres - a durablement gangrené le championnat local (lire ci-dessous). La volée d'acquittements (par exemple du club de Lierse, rétrogradé de deux divisions dans un premier temps) ou d'allégements de peine en appel n'ayant pas trompé grand monde. Sur l'un des PV relatif à cette dernière affaire, un intermédiaire évoque la finale de Ligue des champions 2005, où Liverpool avait retourné la situation face au Milan AC (3-3 et victoire des Anglais pourtant menés 0-3). L'Union européenne de foot ball (UEFA) n'a, à notre connaissance, jamais diligenté la moindre investigation sur ce match.

Frontière. Et la France ? Les matchs truqués existent : l'Athletic Club Arlésien (futur Arles-Avignon) ou Nîmes en ont été convaincus ces dernières années. Dans ces cas avérés, le mobile était toujours un gain sportif. Même si les paris s'invitent a posteriori parfois dans le paysage : le scénario d'un match de fin de saison couru d'avance (une équipe joue la montée, l'autre est en roue libre) sur lequel vient se porter un montant de pari suspect, surtout dans le sud de la France où la frontière entre le foot et le milieu est plus poreuse, émerge chaque année en National (1er rang amateur, 3e échelon), la Fédération française de foot étant du reste systématiquement informée en amont des matchs par les instances de surveillance des paris. Sans qu'elle s'en émeuve.