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Milos Raonic, une baraque du Canada

Le frappeur surpuissant, opposé vendredi à Murray en demi-finale de l’Open d’Australie, fait figure de futur numéro 1 mondial.
Milos Raonic après sa victoire contre Gaël Monfils, en quart de finale de l'Open d'Australie. (Photo Thomas Peter. Reuters. )
publié le 28 janvier 2016 à 12h06

Ses faux airs de Clark Kent – l’avatar civil de Superman à la mèche qui ne bouge jamais – qui aurait enfilé un short lui remontant jusqu’aux aisselles n’aident pas, c’est sûr. Son profil de machine à aces non plus. Pas plus que son visage aussi expressif que celui d’une statue de cire, que seule une petite langue tirée au moment de la frappe vient parfois déformer. Pourtant, le Canadien Milos Raonic gagne à être connu. Si, si. Pas seulement parce que sa passion – réelle – pour l’art contemporain pourrait bien faire entrer à l’avenir les interviews d’après-match dans une autre dimension. Ah, cette exégèse des œuvres d’Andy Warhol et d’Ai Weiwei, actuels objets d’une exposition conjointe à la National Gallery of Victoria de Melbourne, à laquelle il s’est livré dans la foulée de sa qualification pour les demi-finales de l’Open d’Australie… Un ovni dans l’ordinaire du suiveur de la galaxie tennis ! Et un adversaire dont Andy Murray devra se méfier grandement vendredi.

Non, si Milos Raonic  gagne à être connu c’est surtout parce qu’à 25 ans, il pourrait fort bien devenir le prochain n°1 mondial. Cela fait des années qu’on l’entend : actuellement au 14e rang mondial le natif du Montenegro a déjà été n°4 au classement ATP, mais des blessures à répétition, au quadriceps, au bras puis au dos, l’ont freiné dans sa quête du Graal. Mais en ce début d’une saison où il a gagné 9 matches sur 9, on sent comme un frétillement qui tendrait à indiquer que l’objectif n’est plus très loin. Car le garçon a progressé, et pas qu’un peu. Gaël Monfils, sa victime en quarts de finale, balayé en quatre sets, peut en témoigner. « Il retourne beaucoup mieux que par le passé, a ainsi détaillé la Monf’, il joue beaucoup plus vite du fond du court, il frappe la balle vraiment très fort en coup droit. Il a même amélioré son revers, qui était jusqu’ici un peu son point faible. Il est beaucoup plus fort désormais. »

Carcasse

L’observation vaut également pour son déplacement : impressionnant la manière dont il arrive à trimballer sur le court sa grande carcasse d’1,96 m. « Il y a un an, pendant sa préparation hivernale, il a perdu beaucoup de poids, note l’ancien n°1 mondial Jim Courier, et cela l’a aidé à améliorer sa mobilité. Il travaille pour être le meilleur possible et cela se voit dans tous les secteurs de son jeu. Il récolte les fruits de son travail. » Le travail. Quand d’autres ont le talent ou le génie pour moteur, travail est bien le mot qui revient le plus souvent pour expliquer les progrès du canonnier de Toronto. Ainsi que son approche ultraplanifiée du métier. Courier, toujours : « J’aime le professionnalisme avec lequel il entre sur le court, j’aime sa vision du jeu, il est extrêmement discipliné, très concentré, il comprend parfaitement le tennis qu’il produit. » Et cela remonte à ses plus jeunes années jurent ceux qui le connaissent depuis longtemps. Milos Raonic s’est lui-même programmé pour réussir. « Je me souviens quand il avait 12-13 ans, raconte ainsi Martin Laurendau, le capitaine de l’équipe canadienne de Coupe Davis, on le narguait parce qu’il était tout petit, on lui lançait : « Quand vas-tu grandir ? » Mais il avait un rêve, c’était d’être n°1 et de gagner les tournois du Grand Chelem. À l’époque, c’était un peu rigolo parce qu’au Canada personne n’était jamais venu proche d’accomplir ces trucs-là, donc il passait un peu pour un grand rêveur. » Le technicien canadien de poursuivre : « Mais ses rêves sont en train de se concrétiser, c’est tout son mérite d’avoir travaillé aussi fort et d’être rendu où il est rendu. » Au point d’être devenu le nouvel empêcheur de tourner en rond du Big Four ? « Je pense qu’il est encore un peu trop tôt pour dire ça, tempère Jim Courier. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est une menace sérieuse. Quand on a les armes qu’il a, on représente toujours un risque pour les autres. »