Et à la fin, c’est (encore) Djokovic qui gagne. En finale de l’Open d’Australie dimanche, Andy Murray n’est pas parvenu à faire mentir le proverbe qui fait figure de loi depuis un an et demi sur le circuit. Pour sa quatrième finale face au Serbe à Melbourne, l’Ecossais a connu la même punition que les fois précédentes : une défaite, malgré de beaux efforts et beaucoup de cœur (un deuxième set d’une heure et vingt minutes !), infligée par «Nole» (6-1, 7-5, 7-6) qui a, lui, remporté son sixième titre en Australie. Et, au passage, son onzième titre du Grand Chelem, le même nombre que Björn Borg. La saison 2016 a donc commencé sur les mêmes bases que la précédente, où le numéro 1 mondial n’avait perdu qu’un seul match qui compte, face à Stan Wawrinka en finale de Roland-Garros.
Du coup, à Melbourne Park comme ailleurs, la question est posée : qui, mais qui, pour enfin réussir à crever un pneu à Novak Djokovic ? «Un gars comme ça, il est trop fort aujourd'hui, reconnaît l'ancien numéro 1 français et ami de Roger Federer, Arnaud Boetsch. Il bouge tellement bien, il est tellement concentré sur cet objectif de ne pas faire une faute, de ramener la balle une fois de plus, de jouer très long.» Son ex-coéquipier de Coupe Davis Guy Forget, qui a commenté la finale australienne pour la télévision, ajoute : «C'est le plus bel athlète du monde aujourd'hui. Au niveau du timing, et là c'est le technicien qui parle, toutes les balles sont centrées, il a une profondeur de balle qu'aucun autre joueur sur le circuit n'a, et ça, vous avez beau prendre le problème dans tous les sens, quand vous vous retrouvez face à une mécanique qui est réglée comme la sienne, c'est très, très dur de prendre le contrôle du point et d'arriver à le faire rater.»
La preuve, face au Serbe dimanche, on a même cru déceler à plusieurs reprises un sourire nerveux sur le visage de Murray. Et lire sur ses lèvres tout un tas de mots que la morale nous empêche de reproduire ici. Comme pour souligner une impuissance qui n’est pas que la sienne, mais celle de tout le peloton qui court désespérément après le maillot jaune.
Un scénario quasiment écrit à l'avance dans tous les tournois dans lesquels Djokovic s'aligne, voilà de quoi tuer le suspense et l'intérêt du public pour le tennis, non ? «Les joueurs commencent à en avoir marre, c'est chiant. C'est un peu humiliant pour tout le monde», avait ainsi résumé, avant d'affronter le numéro 1 mondial en huitièmes de finale, Gilles Simon. Avant de préciser que pratiquement tout le vestiaire le pensait… Et l'on aura beau rétorquer que si, il y a des gens pour adorer voir Djokovic gagner semaine après semaine, qu'il est désormais bien plus qu'un nom, mais aussi une marque très rentable en particulier en Asie, où il est vu comme un vecteur de valeurs telles que la classe, l'abnégation et le travail, l'argument ne suffit plus à faire taire les saoulés de cette archi-domination.
L'ancien champion Henri Leconte, resté très proche du coach du Serbe, l'Allemand Boris Becker, n'en fait pas partie : « Mais bien sûr que c'est bien ! Pourquoi ? Parce qu'il permet aux autres joueurs de se remettre en question et de travailler deux fois plus.»
Oui mais, si même Andy Murray, qui a lui aussi beaucoup travaillé, n'y arrive pas, alors quel espoir pour les autres ? «Les Kyrgios, Nishikori, Coric et compagnie ne sont pas du tout à ce niveau-là, juge Forget. Quant aux outsiders, il y en a très peu. […] Tant que Novak ne sera pas blessé ou n'aura pas une grosse perte de confiance, ça va être dur de l'empêcher de gagner des grands titres.» Autrement résumé par Leconte : «S'il continue comme ça, l'extraterrestre, je crois qu'il va falloir aller sur Mars pour pouvoir le battre.»