Enorme suspense, hier soir, au Stade Vélodrome. Dans le tunnel sous la tribune Jean-Bouin, peu avant minuit, le bus des joueurs du Paris-SG est en panne de batteries, et personne ne sait s’ils pourront regagner leurs pénates. Les stadiers marseillais, dans un mouvement collectif précis et sans doute travaillé à l’entraînement, ramènent des câbles et des pinces, les relient au moteur d’un camion réfrigéré de traiteur, et l’action est décisive : le bus ressuscite. Voilà.
Le match ? Comme d'habitude, depuis deux à trois bonnes saisons, l'OM a bien joué face à un Paris-SG qui l'a regardé de haut, voire de très haut, mais il a perdu la fin (2-1). «Je n'imaginais pas un résultat aussi cruel», a dit Michel, l'entraîneur de l'OM, qui a dû perdre les DVD des derniers clasicos. Les Parisiens restent sur 34 matches de rang en L1 sans la moindre défaite. Les Marseillais n'ont plus gagné à domicile depuis le 13 septembre et ils voient leur série d'invincibilité (onze matches de championnat) conjuguée au passé. Le meilleur joueur de la rencontre, Lassana Diarra, a résumé la soirée : «Cela fait zéro point sur le plan comptable. Et ce n'est pas terrible, on a besoin de points. On a été conquérants, on les a bien bougés, on a eu de belles phases mais, pendant une rencontre, il faut marquer pendant les temps forts pour tuer le match. Les Parisiens ont été réalistes, ils jouent ensemble depuis plusieurs années, ils n'ont pas besoin de 10 000 occases.» Un suiveur le relance sur sa prestation majeure (il a écœuré tout le milieu de terrain parisien), Diarra sourit : «C'est gentil, mais j'ai envie de gagner aussi.» D'un ton badin, un confrère ose : «Mais vous ne vous ennuyez pas dans cette équipe ?» Diarra, plus amusé qu'agacé : «Mais qu'est-ce que vous racontez !?»
La promenade pépère de Thiago Motta
Il peut minauder. Les joueurs parisiens se relaient pour chanter ses louanges. Maxwell, classieux : «Il a été fantastique, c'est l'homme du match, techniquement très propre.» Matuidi, piquant : «Si Lass continue comme ça cette saison, je pense qu'il ne va pas rester longtemps à Marseille.» Les princes du Paris-SG observent les manants de la L1 et se permettent de désigner qui peut dîner à leur table. Hier soir, ils ont été encore déroutants de suffisance, ce qui fera dire poliment au buteur belge de l'OM, Michy Batshuayi : «On a affronté un grand Paris… qui a joué très tranquillement».
A commencer par Thiago Motta, qui a semblé s'adonner à une agréable randonnée dans les forêts de Sologne. Pendant que les Marseillais s'époumonent, il trottine gentiment, bazarde quelques passes en toute simplicité, et manque de provoquer l'égalisation de l'OM dans les dernières minutes après avoir fait du chiqué sur un duel et perdu un ballon précieux. Il a vraiment donné l'impression d'un douillet échauffement avant le vrai match, le Paris-SG-Chelsea du mardi 16 février. «On a eu un déchet technique impressionnant», a murmuré Laurent Blanc, pas trop fort pour heurter la sensibilité des siens. Il est prudent, il a raison : après tout, son défenseur David Luiz a refusé de sortir après un choc alors que le speaker du Vélodrome avait annoncé le changement. Une scène rare, mais rappelant qui a vraiment les clés d'une équipe.
Basile Boli : «Le Paris-SG casse le match, le rythme»
Certains noteront que ce Paris-SG, même consternant, a suffisamment de marge pour accabler une équipe de l'OM courageuse. Ils ont sans doute raison, mais à l'indécent Motta, on préférera quand même l'attitude de Thiago Silva, auteur d'une partition brillante, ou de Zlatan, dévoué et précieux (but d'entrée de jeu, passe décisive pour un Angel Di Maria inégal). «Ah, c'est une équipe parisienne qui a de la bouteille, râle Basile Boli, l'ambassadeur de l'OM auprès des médias, des groupes de supporters et des Nations Unies. Ils ont de l'expérience, ils cassent le match, le rythme, ils te mettent un but dès la deuxième minute, et je peux te dire que sur le coup, tu as la tête qui tourne en cinq comme dans Lucky Luke (les Marseillais sont abasourdis, ndlr). Mais on a réussi à revenir à 1-1, dans l'ensemble, je suis satisfait du groupe.» Boli a revu ses prétentions à la baisse. Avant la rencontre, il a dit aux joueurs marseillais : «Si vous tapez le Paris-SG, vous sauvez votre saison !» Dixièmes de L1, les Marseillais n'ont rien sauvé du tout hier, à part les apparences auprès d'un public bouillant et plein de mansuétude, qui les a applaudis à la fin (sauf Michy). Mais dans un championnat de gagne-petit, ils peuvent toujours rêver du podium, ils ne sont qu'à cinq points du troisième, et puis «ils ont fait un très bon match dans l'impact physique», dixit Laurent Blanc, alors qui sait ?
Après le match, dans un couloir du Vélodrome, on a vu le Parisien Blaise Matuidi passer la main dans les cheveux bouclés de Sacha Mandanda, le fils du gardien de l'OM, et dire au bambin tristounet : «Ton papa l'emportera la prochaine fois !» La L1 est devenue une fable pour enfants, mais c'est l'ogre qui gagne à la fin.