Alors ça y est : le foot est sorti de l'ère glaciaire en acceptant de tester l'arbitrage vidéo concernant certaines phases de jeu (but ou non, expulsion, penaltys, identité du joueur à avertir). Ainsi, «les arbitres seront plus libérés, plus sereins», selon Michel Seydoux, président de Lille, dans l'Equipe. Au moins, son homologue de Caen, Jean-François Fortin (toujours dans l'Equipe), ne tente pas l'enfumage. Dans le foot, l'argent a pris une telle importance que le résultat d'un match ne peut plus dépendre de quelques paires d'yeux arbitrales, dit-il : «Je me suis toujours demandé comment certains investisseurs allaient continuer à supporter des erreurs involontaires qui peuvent entraîner de lourdes conséquences.»
Et le Bar des sports ? «Eh quoi les footeux, évoluez un peu, le rugby s’y est bien mis, et depuis longtemps.» Parlons-en du rugby, sans s’appesantir sur le fait que ce n’est pas un sport mondialisé, qui n’a accédé à l’universalisme olympique que dans sa version dénaturée du VII – et pourquoi pas le futsal aux JO, pendant qu’on y est ? Au commencement, l’arbitrage vidéo ne servait en ovalie que pour valider un essai en vérifiant que le ballon avait bien été aplati dans l’en-but. Puis, on s’est aperçu que si la passe qui l’amenait était en avant, l’essai, même dûment aplati, n’était pas valable. On a donc scruté le sens de la passe. Puis, le ruck avant la passe, des fois qu’une filouterie aurait déblayé le terrain à l’attaquant. Puis, le coup de pied avant le ruck…
Bilan : des arbitres déresponsabilisés recourant quasi systématiquement à la vidéo, des matchs interminables (au point d’inquiéter les diffuseurs) et saucissonnés à un point qui altère forcément les temps de récupération, donc le rythme, donc l’essence du jeu. Aucune raison que le foot ne connaisse pas le même sort.
Sans compter qu'assimiler le rugby et le foot, c'est méconnaître la différence de nature entre un sport de phases de jeu (d'une touche à une mêlée, de la mêlée à une touche) et un sport où les actions s'enchaînent, le ballon sortant du terrain y étant la conséquence d'une maladresse ou d'une situation d'urgence – et non plus d'une planification relevant de la stratégie, comme en rugby. Michel Platini, opposé à la vidéo, nous résumait un jour par une formule toute simple pourquoi elle lui semblait inadaptée au foot : «Corner, but. Sauf que non, l'attaquant a fait faute sur le défenseur – but refusé. Sauf qu'on remonte encore un peu : le défenseur a fait la première faute, penalty. Sauf que non, en remontant encore un peu, on s'aperçoit qu'il n'y avait pas corner mais sortie de but… Et on remonte ainsi au coup d'envoi.» On ajoutera que les images télé faisant foi en cas d'aide vidéo, aucune chance qu'on arbitre un Burkina Faso-Ghana (trois caméras) comme un Angleterre-France (vingt-quatre). On casse la continuité, on casse l'universalité… Qu'est-ce qu'il reste ?