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Libération

Sharapova, la défense sur l’air du «à l’insu de mon plein gré»

publié le 8 mars 2016 à 20h11

Mais quelle mouche a donc piqué la Fédération internationale de tennis ? Un aggiornamento ? Une brutale prise de conscience, après des années à aligner de pauvres deals - tu t’arrêtes de jouer six mois et on garde ton contrôle positif dans un tiroir - pour préserver la pureté médiatique de son sport ?

On en serait pour le moins étonné, mais les faits sont là : la joueuse de tennis russe Maria Sharapova (28 ans, cinq titres du Grand Chelem) s’est vu notifier un contrôle positif au meldonium lors du dernier Open d’Australie. Glamour un jour, glamour toujours : alors qu’un haltérophile bulgare file en pareil cas se bourrer la gueule dans un rade avant de quémander à un oncle un boulot dans une entreprise de transport, Sharapova a immédiatement convoqué une conférence de presse dans un palace de Los Angeles pour dérouler son argumentaire.

«Prescription». Le meldonium (ou mildronate) : utilisé dans la prévention des infarctus et plus généralement pour protéger le cœur, par exemple en cas d'efforts, il est classé par l'Agence mondiale antidopage (AMA) parmi les hormones et modulateurs métaboliques depuis le 1er janvier.

L'argumentaire de la joueuse : «Depuis dix ans, je prends ce médicament sur prescription de mon médecin de famille. Il n'était pas sur la liste des produits prohibés par l'AMA à l'époque, mais le règlement a changé, ce que je ne savais pas. Quand on me l'a prescrit, j'avais plusieurs problèmes de santé. Je tombais souvent malade, j'avais une carence en magnésium et il y avait du diabète dans ma famille. J'avais moi-même du diabète. […] Je suis responsable de ce que j'ingère, je me targue depuis mon plus jeune âge d'être très professionnelle, mais j'ai fait une énorme erreur, j'ai déçu mes supporteurs, j'ai laissé tomber mon sport.» Devant le pupitre, Sharapova est apparue telle qu'on l'a toujours vue : volontaire, la main sur le cœur et les yeux qui vont se planter dans ceux de son interlocuteur quand elle veut appuyer son propos ; la sportive de l'Est est habituée aux obstacles et se relève autant de fois qu'elle tombe.

«Foutaise». Le président de la Fédération russe de tennis, Shamil Tarpichev, a aussitôt soutenu sa vedette sous un angle pour le moins pragmatique : «Je crois que c'est de la foutaise. Les athlètes prennent les médicaments sous ordonnance médicale.» Dit plus clairement : une ordonnance médicale valant autorisation thérapeutique - les fameuses AUT, très faciles à obtenir même pour un simple quidam - dûment déposée auprès des instances de son sport et on ne parlait de rien, puisque Sharapova était lavée par anticipation.

Un esprit plus critique pourrait tout aussi bien dire que Sharapova joue au tennis depuis 2006 avec un produit classé (récemment, il est vrai) parmi les modulateurs métaboliques et permettant d’augmenter les charges d’entraînement et la résistance physique. Bref, une question de point de vue, le champ de bataille étant désormais celui de la communication et de l’habillage d’un fait unique - son contrôle positif.

Ce combat-là laissera la place à un autre, moins brillant : la bataille juridique. Suspendue à titre provisoire, Sharapova risque quatre ans de suspension : c'est le tarif de base pour une première infraction au code antidopage. Peut-être deux si des circonstances atténuantes lui sont reconnues, voire quelques mois si ses avocats font des merveilles. Sharapova, sportive la mieux payée au monde, tire les trois quarts de ses 29 millions de dollars (26 millions d'euros) de revenus annuels de ses activités hors tennis (contrats pub, confiserie Sugarpova), et n'a pas besoin de son sport pour vivre. Elle en reste pourtant une authentique amoureuse. Lundi, elle ne voulait pas croire en avoir terminé avec le tennis : «Je ne veux pas finir ma carrière de cette façon et j'espère avoir la chance de rejouer.» Elle devra cependant désormais vivre avec une image écornée. Ses sponsors Nike, Tag Heuer et Porsche ont, du reste, suspendu ses contrats.