Plus de 35 000 personnes ont répondu à la question de L'Equipe «Etes-vous favorable à l'égalité homme/femme du prize money, telle qu'elle existe actuellement dans certains tournois de tennis ?»
Comme ça, on se dirait que c’est aussi con que de demander «Préférez vous être riche et en bonne santé que pauvre et malade?» Et que bien sûr, 100 % des sondés vont répondre oui. Naïfs que nous sommes. Il s’en est quand même trouvé 72% pour répondre… non. Oui, près de trois quarts des personnes qui ont pris la peine de répondre à cette question idiote sont défavorables à l’égalité femmes-hommes. Au Bar des Sports, la place des femmes est derrière le comptoir. A compter les pourboires.
Débat sur l'égalité homme/femme du prize money au #tennis. Le résultat du sondage sur l'@lequipe est sans équivoque. pic.twitter.com/NaS0suA205
— Tennis Legend (@TennisLegende) March 23, 2016
Le débat sur l’égalité salariale dans le tennis est récurrent. Pour un Murray estimant que lorsque hommes et femmes disputent le même tournoi au même moment au même endroit, ils méritent la même dotation (peu importe que les unes jouent en deux sets gagnants et les autre en trois), combien de Djokovic, Simon ou Stakhovsky, pour affirmer au doigt mouillé que les spectateurs et les télés payent pour voir de la testostérone et pas des gonzesses ? Du spectacle et pas de lénifiants échanges de fond de court.
Le bon, la brute, le truand, l'artiste incompris
Pourtant, de mémoire de suiveur du circuit, on n'a pas souvenir de finales féminines de tournois du Grand Chelem disputés devant des gradins vides. Les couillus se bercent sans doute d'illusions en imaginant que les dollars indûment - selon eux- gagnés par les femmes termineraient dans leur poche si l'égalité n'était pas de mise. Et pour ne remonter qu'au dernier tournoi où la polémique à ressurgi (rallumée par le directeur même de l'épreuve, d'un provocateur «Si j'étais une joueuse, je me mettrais à genoux chaque soir pour remercier Dieu d'avoir donné naissance à Roger Federer et "Rafa" Nadal, parce qu'ils ont porté ce sport. Vraiment.»), qu'est-ce qui était le plus excitant? Voir Djokovic rouler-compresser Raonic en finale ou Azarenka bousculer les pronostics en battant Williams? D'accord, le tennis féminin manque de stars, à part peut-être Serena Williams et Maria Sharapova. Aucune joueuse n'entre dans le cadre d'un story-telling tellement juste qu'il en apparaît presque suspect comme le proposent Federer, Nadal, Djokovic et Murray (le bon, la brute, le truand et l'artiste incompris). Pour autant, faut-il remettre en cause l'égalité de «salaire» lorsqu'elle existe, dans quelques rares tournois, même s'ils sont les plus médiatiques ?
Il s’est écoulé 43 ans depuis la menace de la championne Billie Jean King de boycotter l’US Open s’il n’instaurait pas l’égalité salariale - rappelons qu’au début de sa carrière, en 1958, elle gagnait un petit 100 dollars par semaine. Un combat tennistique, féministe et politique s’il en est, qui se solda par une victoire de la championne, en 1973 - cette année-là, Margaret Court finira par toucher la même somme que son homologue masculin, John Newcombe, soit 25 000 dollars.
C'est aussi en 1973 que se joua l'un des événements les plus extravagants de l'histoire du tennis, la Bataille des sexes. Agacé par les prétentions salariales de la gent féminine tennistique, un vague champion des années 40, Bobby Riggs, déclara, goguenard : «Aucune joueuse en activité ne pourrait jamais venir à bout d'un retraité.» Billie Jean décida de relever le défi : battre l'impétrant sur un court. De la manière la plus flamboyante qui soit : par match de tennis.
Elle arrive en Cléopâtre, lui en pousse-pousse
Quelques jours avant l'événement le plus sportivo-bling de la décennie, bientôt nommé « la Bataille des sexes », Riggs pavane dans les journaux avec une arrogance si ridicule qu'elle en devient suspecte. « Billie Jean King […] est une star du tennis, mais elle ne vaut pas tripette devant moi. Le tennis féminin est bien en dessous du tennis masculin… » Ainsi, le 20 septembre 1973 à Houston, Texas, se tient le fameux match. C'est un événement médiatique colossal, pharaonique. Le spectacle est total, il regroupe plus de trente mille spectateurs et cinquante millions de téléspectateurs dans trente-sept pays. Côté mise en scène, les deux compétiteurs se lâchent. Billie Jean King, 30 ans, arrive habillée en Cléopâtre sur un bouclier, tandis que Bobby Riggs, 55 ans, tronche à la Austin Powers, débarque sur un pousse-pousse, vêtu d'une veste sur laquelle il est écrit «SUGAR DADDY». Dans les gradins où les places se sont négociées à 100 dollars, des types brandissent des pancartes où l'on peut lire « Whiskey, women and riggs » ou encore « Who needs women ? » (« Qui a besoin des femmes » ?). Mais les faits sont là : au terme d'un match où Riggs sue sang et eau, Billie Jean King remporte la Bataille des sexes. 6-4, 6-3, 6-3.
Oui, c’était un symbole, mais quel symbole. Ce fut surtout un début. L’égalité salariale, elle fit son chemin. Petit à petit. Il a fallu attendre 2007 pour que Wimbledon et Roland-Garros accordent la même dotation aux hommes et aux femmes. On a cru alors que le débat était clos.
Malheureusement, l’histoire ne se répète pas, elle bégaie.