Plus de 35 000 personnes ont répondu à la question de l'Equipe : «Etes-vous favorable à l'égalité homme-femme du prize money, telle qu'elle existe actuellement dans certains tournois de tennis ?» Comme ça, on se dirait que c'est aussi con que de demander «Préférez- vous être riche et en bonne santé que pauvre et malade ?» Et que bien sûr, 100 % des sondés vont répondre oui. Naïfs que nous sommes. Pour 72 % d'entre eux, c'est non. Oui, près de trois quarts des personnes qui ont pris la peine de répondre à cette question idiote sont défavorables à l'égalité femmes-hommes. Au Bar des sports, la place des femmes est derrière le comptoir. A compter les pourboires.
Le débat sur l’égalité salariale dans le tennis est récurrent. Pour un Murray estimant que lorsque hommes et femmes disputent le même tournoi au même moment au même endroit, ils méritent la même dotation (peu importe que les unes jouent en deux sets gagnants et les autres en trois), combien de Djokovic, Simon ou Stakhovsky pour affirmer au doigt mouillé que le public paie pour voir de la testostérone et pas des gonzesses ? Du spectacle et pas de lénifiants échanges de fond de court.
Pourtant, de mémoire de suiveur du circuit, on n'a pas souvenir de finales féminines de tournois du Grand Chelem disputées devant des gradins vides. Les couillus se bercent sans doute d'illusions en imaginant que les dollars indûment - selon eux - gagnés par les femmes termineraient dans leur poche si l'égalité n'était pas de mise. Et pour ne remonter qu'au dernier tournoi où la polémique a ressurgi (rallumée par le directeur même de l'épreuve, d'un provocateur «Si j'étais une joueuse, je me mettrais à genoux chaque soir pour remercier Dieu d'avoir donné naissance à Roger Federer et "Rafa" Nadal, parce qu'ils ont porté ce sport. Vraiment.»). Qu'est-ce qui était le plus excitant ?
Voir Djokovic «rouleau-compresser» Raonic en finale ou Azarenka bousculer les pronostics en battant Williams ? D’accord, le tennis féminin manque de stars, hormis Serena Williams et Maria Sharapova. Aucune joueuse n’entre dans le cadre d’un story-telling tellement juste qu’il en apparaît presque suspect comme le proposent Federer, Nadal, Djokovic et Murray (le bon, la brute, le truand et l’artiste incompris). Pour autant, faut-il remettre en cause l’égalité de «salaire» lorsqu’elle existe, dans quelques rares tournois, même s’ils sont les plus médiatiques ?
Il s’est écoulé quarante-trois ans depuis la menace de la championne Billie Jean King de boycotter l’US Open si l’égalité salariale n’y était pas instaurée. Ce ne fut qu’un début. Il a fallu attendre 2007 pour que Wimbledon et Roland-Garros accordent la même dotation aux hommes et aux femmes. On a cru alors que le débat était clos. Malheureusement, l’histoire ne se répète pas, elle bégaie.