Johan Cruyff, décédé jeudi à 68 ans, restera dans les mémoires comme l’incarnation du «football total» pratiqué par l’Ajax d’Amsterdam, roi d’Europe au début des années 1970, une philosophie de jeu qu’il a transmise en tant qu’entraîneur au FC Barcelone à qui il a laissé un immense héritage.
Aux côtés des Johan Neeskens, Ruud Krol, Arie Haan et autres Barry Hulshoff, l’éternel numéro 14 a émerveillé tous les amoureux du beau jeu. Avec eux il a tout gagné en club. Seul lui a manqué un titre avec les Oranje, malgré deux finales de Coupe du monde, en 1974 et 1978, les deux fois contre le pays organisateur (Allemagne et Argentine).
Né le 25 avril 1947 à Amsterdam, Johan Cruyff a été le chef d’orchestre inspiré des «Blanc et rouge» de l’Ajax ou des «Orange» de l’équipe des Pays-Bas. Longiligne, d’apparence fragile, il a été l’animateur et le moteur de cette génération dorée. Coup d’œil, précision des passes, rapidité, technique en mouvement, talent de buteur, Johan Cruyff possédait tout le bagage du joueur moderne. Il était le footballeur total et a inspiré toute une génération de joueurs, Michel Platini en tête.
Professionnel dès 17 ans, Cruyff s’impose avec le numéro 14 dans le dos. Belle revanche pour ce garçon qui nettoya un temps les vestiaires de l’Ajax, lorsque pour sa troisième saison avec le club de la capitale, il devient, avec 33 buts, le meilleur buteur du championnat néerlandais.
Les clubs du Vieux Continent ne résistent pas au «Hollandais volant», vainqueur de la Coupe d’Europe des Clubs Champions avec l’Ajax en 1971, 1972 et 1973. Il rejoint ensuite le FC Barcelone dirigé par son compatriote Rinus Michels. Mais la Coupe du monde, la seule à laquelle il participe, lui échappe.
Portrait Le mauvais génial du Barça
Le 7 juillet 1974, Cruyff, qui a brillé tout au long du tournoi mondial, foule la pelouse du stade Olympique de Munich pour la finale contre la RFA. Dès la première minute, faute sur Cruyff. Penalty. But de Neeskens. Les Bataves semblent partis pour le sacre. C’est compter sans la rage de vaincre des coéquipiers du «Kaiser» Franz Beckenbauer, qui l’emportent finalement 2 à 1.
Triple Ballon d’Or
En 1977, celui qui est devenu le premier triple Ballon d’Or (1971, 1973 et 1974) renonce à la sélection des Pays-Bas en raison d’un conflit avec sa Fédération. Dès lors, il se consacre au Barça, auquel il offre le Championnat d’Espagne, un titre attendu depuis 14 ans, et une Coupe d’Espagne.
De retour aux Pays-Bas, après une expérience aux Etats-Unis, il parachève son palmarès de joueur en s’offrant avec l’Ajax deux nouveaux sacres nationaux (1982, 1983), avant de mener le rival, le Feyenoord de Rotterdam, au titre de champion des Pays-Bas (1984).
Adepte du football total, où défenseurs et attaquants participent en permanence à la conquête du ballon, Cruyff impose son style comme entraîneur. A l’Ajax puis à Barcelone. Sous sa direction, le club catalan gagne quatre titres nationaux d’affilée, de 1991 à 1994, et une Coupe d’Europe des Clubs Champions (l’ancêtre de la Ligue des champions), la première de l’histoire du club (1992).
Malgré ce palmarès, il est contraint de quitter le FC Barcelone en raison d’un différend avec le président Josep Maria Nunez. Josep Guardiola comme Luis Enrique, qui ont joué sous ordres, ont été des héritiers dignes de préceptes, guidant le Barça sur le toit de l’Europe depuis dix ans.
Contacté par Libération, Dany Cohn-Bendit, grand amateur de foot, réagit à la disparition de la légende: «C'était un grand joueur mais surtout un entraîneur génial. Il a inventé l'équipe de l'Ajax et les écoles de formation de jeunes qui ont produit toute la nouvelle génération de joueurs, il a fondé à Barcelone l'école de la Massia d'où sont sortis tous les grands joueurs espagnols de ces dernières années et Messi. De Wenger à Guardiola, tous les grands entraîneurs d'aujourd'hui l'ont copié.»