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Dunk Is Not Dead

NBA : Giannis Antetokounmpo, un Grec sauce grand meneur

Tirs du parking, contres ravageurs et flops comiques... Dix-huitième tour d'horizon des parquets américains, de la côte Atlantique au littoral Pacifique.

Giannis Antetokounmpo, à Washington, en janvier. (Photo Patrick Smith. AFP)
Publié le 31/03/2016 à 17h39

Plus que 5 victoires. Les Golden State Warriors n'ont plus que cet objectif en tête (pour l'instant). Et, parmi les 7 matchs restants, celui gagné (103-96) contre les Utah Jazz était peut-être le plus compliqué à gérer. Malgré tout, la haine de la défaite a fait son œuvre et, alors qu'on voyait déjà l'équipe de Rudy Gobert remporter la victoire, Klay Thompson a, dans les derniers instants, mis un 3 points… quelques secondes après en avoir raté un. Et en prolongation Draymond Green et les autres ont fini le travail. La saison régulière, ce ne sont pas les play-offs, c'est vrai. Mais quand tout ou presque réussit à une équipe, il faut se dire que les éléments sont avec elle. Avec 67 victoires au compteur, les Warriors ont désormais sur leur chemin Boston, Portland, Minnesota ainsi que Memphis et San Antonio, deux fois chacun. Mais comme ces derniers ont déjà fait comprendre qu'ils mettraient les cadres au repos, le record des 72 succès et 10 défaites des Chicago Bulls de 1995-1996 risque bien de tomber dans l'escarcelle des Warriors. Sinon, moins glorieux, les Sixers sont eux aussi toujours en route pour devenir la pire équipe de l'histoire sur une saison à 82 matchs.

Le joueur : Giannis Antetokounmpo

En trois saisons seulement, Giannis Antetokounmpo a fait son trou dans l'univers de la NBA. Déjà, un prénom grec précédant un nom nigérian, ce n'est pas banal. Mais, surtout, celui qui figure régulièrement dans les top 10 des meilleures actions mutualise deux qualités qui se marient rarement : il est grand et s'évertue en tant qu'un meneur de jeu. Avec ses 2,11 m, il s'inscrit dans une certaine tradition hellénique de meneurs de grande taille : Theódoros Papaloukas (2 mètres), Nick Calathes (1,98 m, qui a joué aux Grizzlies de 2013 à 2015), et même dans une certaine mesure Dimitris Diamantidis (1,96 m) pour ne citer qu'eux. En NBA, Antetokounmpo n'est pas le seul grand à avoir joué meneur. On pense à Oscar Robertson (1,96 m) mais, surtout, au meilleur de tous à ce poste Magic Johnson, qui s'élevait à 2,06 m. Ce dernier avait tout : la vision du jeu, le dribble, la passe, le tir…

Toutes proportions gardées, le Grec des Bucks dispose également de ces caractéristiques. Comme Johnson, il peut jouer du poste 1 (meneur de jeu) au poste 5 (pivot). A 21 ans, même après un Eurobasket 2015 convaincant, il a encore tout à prouver pour juste avoir l'honneur d'être comparé au tacticien des Los Angeles Lakers. Tout de même, Antetokounmpo commence à faire devenir réalité des promesses que son jeu laissait paraître dès son arrivée en NBA, par la draft de 2013. Cette saison, il a passé un cap, cumulant par exemple 4 triples doubles (dans les catégories points, passes décisives et rebonds): un record dans toute l'histoire des Milwaukee Bucks. Il a marqué plus de 20 points presque une fois tous les trois matchs depuis novembre et a pris une dimension dans le jeu en adéquation avec son talent pressenti.

Giannis Antetokounmpo, c'est aussi un parcours qui n'a pas besoin de storyteller expérimenté. Il suffit de dérouler son histoire. Ses parents sont partis du Nigeria car ne trouvant plus de travail. Au début des années 90, la Grèce est un pays où on en trouve. Ils arrivent à Athènes, vendent des oranges, des kombotloï (chapelets grecs) ou des sacs à main à la sauvette. Giannis et ses trois frères, Thanassis, Kostas et Alex, tous nés en Grèce et inscrits à l'état civil avec des prénoms locaux, ont grandi dans Sepolia, un quartier populaire du nord de la capitale. «Giannis a vécu des temps difficiles, et quand on passe par ces moments-là, cela crée de la personnalité, explique Spiros Velliniatis, le coach grec qui lui a mis le pied à l'étrier et l'a convaincu de faire du basket. C'était plus dur qu'il n'y paraît, croyez-moi. […] De nombreuses fois, [Giannis] a arrêté le basket. Il travaillait, vendait des petites choses dans les marchés. Je devais aller le chercher dans son foyer et le ramener au basket-ball.»

Grands buildings et choc thermique

Antetokounmpo est notamment revenu en mai 2015 à Sepolia, pour un match exhibition. Il était accompagné de Thanassis, 23 ans, drafté par les New York Knicks l'an dernier mais qui, hormis lors d'un contrat de dix jours en janvier pour s'essayer au Madison Square Garden, n'a joué qu'aux Wetchester Knicks, l'équipe de D-League (sorte de réserve ou d'échelon inférieur à la NBA) des orange et bleu. Dans son territoire d'enfance, l'accueil fut chaleureux, le quartier voyant revenir sur ses terres un homme qui y traînait encore ses guêtres quelques années auparavant.

Cette ambiance contrastait avec son passage de l'autre côté de l'Atlantique, deux ans plus tôt. «Je n'avais aucune idée de ce à quoi pouvaient ressembler les Etats-Unis, expliquait-il à Grantland en 2014. Je savais juste que vous aviez d'énooormes buildings. Qui montaient jusqu'au ciel. En Grèce, nous n'avons pas d'énormes buildings. Le plus gros doit faire 8 étages.» Il a dû oublier les Athens Towers, mais peu importe. Signer à Milwaukee, un rêve ? «La première fois que j'ai entendu parler des Bucks, ce fut à la draft». Et le froid qui règne dans la ville pendant de longs mois? Giannis Antetokounmpo a appris les subtilités de la météo locale (il fait fréquemment - 20 l'hiver) par «le manager général. A l'aéroport». Il a supporté le choc thermique. Ses parents aussi, qu'il a fait venir. Malgré le climat, ils sont «heureux» d'être là selon le joueur.

La franchise de la ville ne doit en tout cas pas être jugée à l'aune des résultats cette année. L'effectif est jeune et prometteur : Khris Middleton, 24 ans, prolifique arrière – 26 points pour lui encore ce jeudi, contre les Suns ; Greg Monroe, 25 ans, costaud pivot arrivé de Détroit cette saison ; ou encore Jabari Parker, ailier de 20 ans, drafté en deuxième position l'an dernier, mais dont l'année rookie fut arrêtée dès décembre à cause d'une blessure – cette saison, il montre qu'il faudra compter avec lui prochainement. Certes, ils ont perdu Brandon Knight en octobre, sous-coté meneur de jeu parti pour les Phoenix Suns et plus connu pour l'instant pour le dunk monstrueux que DeAndre Jordan lui avait posé sur la tête que pour la régularité de ses performances. Il a été remplacé à son poste par Michael Carter-Williams, prometteur joueur en provenance des Philadelphia Sixers. Mais, lui, ses promesses, il ne les a pas tenues. Blessé depuis fin février, il est même l'une des raisons de la fixation de Giannis Antetokounmpo au poste de meneur de jeu.

 

Ou plutôt de son retour à ce poste. «Quand j'étais plus jeune, je jouais meneur de jeu, rappelait Antetokounmpo en octobre 2014. Mais je ne l'ai encore jamais fait [en match officiel] ici.» Oui mais voilà, entre-temps, Jason Kidd, l'ancien meneur des Mavs, des Suns et des Nets était arrivé dans le Wisconsin, quatre mois auparavant. Le meneur, qui a marqué toute une génération de joueurs comme de fans, retraité depuis 2013, fait 1,93 m. Le Grec lui rend presque 20 cm, mais Jason Kidd peut tout de même être considéré comme un grand meneur. «Nous l'avons regardé à l'entraînement, expliquait Mr. Triple Double un mois après son arrivée, et quand vous voyez un joueur avec ce niveau de facilité avec la balle, vous voulez voir ça en match. Nous allons doucement commencer à lui donner le ballon et le laisser diriger les attaques.»

«Coast to Coast»

Pour Antetokounmpo, jouer à cette position en mesurant cette taille, «cela vous donne un avantage. Etre aussi grand, avec tous ces joueurs petits [sic] évoluant à cette position, je peux voir qui est libre, voir tous mes coéquipiers et voir où ils vont. Et je peux aussi évoluer dos au panier». Mais il est également très vif pour sa taille : cette dernière ne le dessert pas quand il s'agit de défendre ou d'aller vite sur ses premiers pas. Résultat, puisqu'il peut tout faire, il fait peur et a du coup gagné le surnom de «Greek Freak». Mike Prada, journaliste à SB Nation, l'an dernier : «Je ne peux pas m'enlever cette action de Giannis Antetokounmpo [contre Miami] de la tête. Je l'ai regardée 100 fois et je ne la comprends toujours pas.» Cette action, c'est un rebond athlétique récupéré sous son cercle suivi d'un coast to coast, c'est-à-dire une course vers la raquette adverse, seul, avec le panier inscrit à la fin de l'action.

 

Le Grec suit en fait une évolution générale. Car, en plus de la révolution au tir apportée par Stephen Curry et les Warriors, nous avions également traité récemment de celle des pivots capables de remonter la balle comme des arrières, symbolisée par exemple par Anthony Davis. Mais cette dernière assertion n'est-elle pas juste le corollaire de celle des meneurs de jeu mesurant plus de 1,95 m ? Lors de la draft 2015, les deux seuls joueurs à la mène sélectionnés dans le top 10, D'Angelo Russell et Emmanuel Mudiay, mesurent 1,96 m. Kris Dunn et Jamal Murray, pressentis pour être aussi haut à la loterie de juin, mesurent à peu près autant. Troy Brown Jr., 17 ans, est annoncé parmi les meilleurs pour la draft 2017. Et ces derniers évoluent tous au poste 1. «J'ai commencé comme ailier fort parce que j'ai toujours été plus grand que la plupart des autres enfants, expliquait Troy Brown Jr., avec maturité, à SB Nation. A Las Vegas [où il est né, ndlr], il n'y avait pas de grands, donc je jouais même pivot parfois. Mais en grandissant, je manipulais mieux la balle que la plupart de mes coéquipiers.» Et il a joué en tant que meneur de jeu.

Mais c'est surtout le numéro 1 annoncé de la draft de juin, Ben Simmons, qui symbolise l'évolution sublimée par Giannis Antetokounmpo. A l'instar de ce dernier à son arrivée aux Etats-Unis, Simmons, qui évolue à LSU, a d'abord été utilisé comme ailier et ailier fort – il est d'ailleurs inscrit à ces postes dans les projections de draft – au vu de sa taille, 2,08 m. Mais, grâce à un maniement de ballon qui le fait dribbler et surtout passer à merveille, il est de fait utilisé comme meneur de son équipe, par ailleurs médiocre et non qualifiée à la March Madness. «Je me sens plus à l'aise lorsque j'évolue à la mène, raconte Ben Simmons. Parce que je sais que je peux diriger une équipe et prendre le contrôle des matchs.» Et, comme The Greek Freak, il peut défendre sur un ailier fort pour, sur la possession suivante, distribuer des caviars à ses amis. L'an prochain, les deux se croiseront donc sur les parquets. Bon courage aux officiels qui coucheront les positions des deux joueurs sur la feuille de match.

 

La course aux play-offs

Conférence est. On aurait envie de confirmer que les Cavs termineront bien 1ers et les Raptors, 2es. Mais Cleveland montre d'inquiétants signes d'essoufflement. Des Hawks (3e) aux Hornets (6e), c'est toujours aussi serré, même si Atlanta semble avoir pris l'avantage. Détroit et Indiana ont pris une sérieuse option sur les deux derniers strapontins. Mais les Bulls et les Wizards ne sont finalement qu'à deux et trois matchs.

Conférence ouest. Dans l'ordre, Warriors, Spurs, Thunder et Clippers finiront aux 4 premières places. Memphis a lâché prise et voit même Portland (6e) revenir à deux victoires. Pour les deux dernières places, Houston, Utah et Dallas sont à égalité parfaite. Mais ces derniers restent les plus en difficulté vu leur calendrier.

La semaine des Français

Depuis son retour de blessure et celle d'Anthony Davis, Alexis Ajinça montre tout son talent : 22 points et 9 rebonds contre Indiana, 18 points et autant de rebonds contre les Spurs. Bonne nouvelle de fin de saison pour Axel Toupane, puisqu'il a signé un contrat jusqu'à, au moins, la Summer League de cet été. A lui de convaincre pour signer la saison prochaine, en option pour l'instant. Son coéquipier Joffrey Lauvergne a mis 10 points et pris 5 rebonds par match en moyenne sur les quatre derniers matchs. Nicolas Batum finit la saison en trombe, triple double contre les Sixers mercredi.

Rudy Gobert est motivé par cette course aux play-offs : il égale son meilleur total au rebond cette saison (19) contre les Lakers et finit en double double ce jeudi contre les Warriors. Evan Fournier poursuit sa saison sur le même rythme, un très bon rythme. Damien Inglis n'a pas confirmé son excellente prestation de la semaine dernière mais reste dans la rotation des Bucks. Côté Spurs, Tony Parker est ménagé et Boris Diaw a marqué 10 points ou plus deux matchs de suite, pour la première fois depuis début janvier. Kévin Séraphin a marqué 6 points contre Dallas mercredi. Joakim Noah est blessé jusqu'à la fin de la saison.

Trois matchs à voir (ou à enregistrer)

Tous sont à regarder sur BeIn Sports. Pour ceux qui ont besoin de dormir de temps en temps, n’oubliez pas la fonction enregistrement de votre box.

Oklahoma City Thunder - Los Angeles Clippers (vendredi 1er avril à 3 h 30) : les deux seules équipes qui pourraient perturber la finale NBA avant l'heure que les Warriors et les Spurs sont destinés à jouer en finale de la conférence ouest.

Portland Trail Blazers - Boston Celtics (vendredi 1er avril à 9 h 30) : les deux équipes jouent encore la meilleure position possible en play-offs.

Atlanta Hawks - Cleveland Cavaliers (samedi 2 avril à 2 heures) : peut-être une finale de la conférence est avant l'heure.