A 13 heures, ce dimanche, sera donné à Concarneau le départ de la 13e édition de la Transat en double AG2R –La Mondiale. Arrivée prévue aux alentours du 23 avril dans le port de Gustavia, à Saint-Barthélémy, au bout de 3 890 milles.
15 bateaux, des Figaro-Bénéteau, tous identiques (10,10 m), mais deux nouveautés demandées par l’organisateur historique OC Sport-Pen Duick en accord avec Yvon Breton, le directeur général de La Mondiale, qui a beaucoup œuvré pour la renommée académique de la course.
Soit donc une marque de parcours qu'il faudra laisser à tribord à La Palma dans l'archipel des Canaries. De sorte qu'ainsi les concurrents qui veulent plonger sud «plein pot» pourront le faire et mettre le clignotant à droite pour rejoindre l'arc antillais. Ce qui devrait donner une course moins «éléphants de Babar» à la queue leu leu sur la route directe. La seconde nouveauté – mais est-ce vraiment un progrès ?- consistera en envoyer chaque jour à terre, et pour faire «vivre la course de l'intérieur», une vidéo accompagnée d'un commentaire. La voile hauturière a toujours été un roman. Les marins seront-ils d'aussi bons metteurs en scène que de bons écrivains ? Bah, on verra ce que ça donnera sur 23 jours de haute mer.
Comme d'habitude sur ce plateau de choix il est bien difficile de sortir un couple favori. Pourtant celui composé d'Adrien Hardy et Vincent Biarnes (Agir Recouvrement) peut jouer placé. Le duo morbihanais devra composer avec des binômes à l'expérience colossale comme : Chabagny-Tabarly (Gedimat), Lunven-Mahé (Generali), Dalin-Richomme (Skipper Macif) ou encore Morvan-Loison (Cercle vert).
Sauveteur de bateaux
Hardy a 32 ans. Biarnes aussi. Hardy est officier de marine marchande. Grand coureur au large mais aussi «sauveteur». Plus précisément il est celui que que les armateurs et assurances contactent pour «monter» un équipage pour récupérer des bateaux à la dérive. C'est une activité qui ne l'occupe «pas à plein-temps», naturellement. Mais en décembre dernier, par exemple, il a armé un voilier de 15 mètres en alu, au départ du Crouesty (golfe du Morbihan), avec cinq membres d'équipage, pour aller récupérer avec succès en mer d'Irlande le voilier SMA qui dérivait depuis les Açores suite au très sérieux accident dont fut victime Paul Meilhat. Ce dernier, dont les lésions au bassin se sont depuis résorbées (Meilhat est le dernier vainqueur par ailleurs de l'édition 2014 de la Transat AGR2-La Mondiale en compagnie de Gwénolé Gahinet, ndlr), a retrouvé tous ses moyens physiques et sera au départ de The Transat dans un mois, à Plymouth… à bord de son bateau SMA.
Tout cela pour dire que Hardy ne met jamais en avant cette activité singulière. «Elle me plaît», dit–il, comme pour couper court à ce qui ne sera jamais une profession. La sienne ? Coureur au large et il ne tient pas en changer. La seule nourriture dont se nourrit un animal de haute mer c'est la performance. Et courir «à deux» fait aussi partie de ce métier. Et voilà justement ce qu'il en dit à propos de cette transat en double : «C'est une course simple dans un monde maritime où la course au large est de plus en plus compliquée par les règles, les jauges et la recherche de gros budgets. Ici on retrouve une forme de liberté un peu perdue. Ici les règles tiennent sur une demi-feuille A4. Ensuite avec nos bateaux nous jouons à armes égales et le podium n'est pas annoncé à l'avance par les budgets mis en oeuvre. C'est maitrisé et simple: deux sur un océan, un même bateau, un parcours limpide. Et sur 15 bateaux au départ 13 peuvent gagner. Comme nous pouvons terminer 13e, ou l'emporter.»
Viande froide-mayonnaise
Les belles lettres de la mer nous racontent d'indéfectibles duos ou encore des couples de circonstance. Que dit Hardy de Biarnes, son binôme ? «C'est d'abord se mettre en accord avec le rythme qui est imposé par le bateau. C'est la clef pour que ça marche et éventuellement l'emporter. Mais faut pas se raconter d'histoires : c'est compliqué le double. Parfois plus que le solo, d'ailleurs. C'est comme la vie en couple, c'est parfois pénible. Le double en mer c'est aussi ton type qui toutes les deux heures va tambouriner sur le pont en faisant des manœuvres alors que tu cherches à t'endormir. Mais c'est aussi celui qui va vous requinquer quand vous n'en pouvez plus. C'est celui qui va vous faire un gueuleton, genre un truc au bain-marie, hein, faut pas non plus pousser non plus, quand vous sortez lessivé de votre quart». Oui mais enfin, avec Vincent ? «On se connaît très bien. C'est un type déterminé et calme. Un vrai figariste. Grand talent. On a été concurrents sur l'eau et on est potes. Mais n'empêche qu'à la fin chacun sera content d'aller tout seul casser une croûte à terre… et sans son double.» En résumé : ne pas s'étonner si dans environ 20 jours Adrien Hardy déjeunera seul d'une viande froide-mayonnaise sur le port de Gustavia.