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Paris-Roubaix : Hayman «Mat» le Nord

publié le 10 avril 2016 à 20h31

Il en aura vu de belles, Mathew Hayman, dit «Mat», le vainqueur surprise de Paris-Roubaix dimanche. L’Australien de l’équipe Orica-GreenEdge, bientôt 38 ans, a dominé au sprint ses quatre compagnons d’échappée, dont le Belge Tom Boonen (Etixx-QuickStep), deuxième, un quadruple vainqueur de l’épreuve, passé près de l’exploit, et le Britannique Ian Stannard (Sky), qui complète le podium. Modeste «porteur d’eau», selon le terme qui sied aux équipiers, Mat a épinglé un grand nom du cyclisme. Il a aussi vu un autre favori, Fabian Cancellara (Trek-Segafredo), foirer sa sortie de carrière : une chute à 50 km de l’arrivée, qui retarde également le champion du monde, Peter Sagan (Tinkoff), et, plus pathétique encore, cette glissade pendant son tour d’honneur du vélodrome, drapeau suisse à la main.

Hayman n'est pas du genre à s'amuser des accidents. Il y a cinq semaines, l'Australien s'est fracturé le radius et a failli renoncer à «l'enfer du Nord». Dimanche, il est resté bien assis sur son vélo, s'est incrusté dans une échappée de 16 coureurs, «attendant que les gros bras reviennent». Puis il a pris le sillage des fameux «gros» et s'est même payé le luxe de contrer une attaque de Boonen à 2 km de la ligne. «J'ai joué et j'ai eu de la chance», résume Hayman. A son âge, cet amoureux des pavés a perdu un paquet de fois, comme sur le Tour de France 2014, qu'il découvrait à 36 ans : bing, une chute. Mais surtout, il a vu le cyclisme foudroyé comme un vieux chêne. Passé professionnel en 2000 chez Rabobank, il court dix ans dans la sulfureuse formation néerlandaise, avant de rejoindre le Team Sky de Bradley Wiggins et Chris Froome. Le trait d'union entre les deux équipes : le docteur belge Geert Leinders, accusé d'organiser le dopage et rangé des pelotons depuis. «Je n'ai rien à voir avec ça», s'est toujours défendu Hayman. Qui précise au journaliste-hagiographe David Walsh (dans le livre Inside Team Sky) : «Je ne voulais pas aller au lit en ayant peur de me faire contrôler positif.»

Après tout, ce n'est pas impossible. Mathew Hayman tient à son indépendance : débarqué aux Pays-Bas à 19 ans, sacré champion espoirs du pays, toujours résident du Nord de l'Europe tandis que ses compatriotes ne jurent que par le soleil de Nice ou de Gérone, en Espagne. Il gagne rarement - son dernier succès remontait au Paris-Bourges 2011. Dimanche, il a profité d'un déroulé rapide et de leaders privés de leurs équipiers, une course d'homme à homme, où les stars n'ont pas voltigé. «On est mort, tout le monde est mort», dit Boonen. Sauf Hayman, qui danse sur les tombes.