Le Paris-SG est tombé au contrôle ADN, c'est-à-dire sur ses propres caractéristiques. Eliminé mardi (2-2 à l'aller, 0-1 en Angleterre) en quart de finale de Ligue des champions par un Manchester City que personne ne prendra pour autant comme un épouvantail, Zlatan Ibrahimovic et consorts ont donné une impression paradoxale pour qui les tient –à juste titre– pour des bêtes de compétition, rompues à toutes les épreuves et capables de tenir debout par grand vent : celle de disputer un match amical d'avant-saison, le défenseur Serge Aurier expédiant l'heure qu'il a passée sur le terrain comme s'il avait donné une interview sur Periscope un samedi soir de décompression avec le glouglou de la chicha d'un copain en bruit de fond. Tranquille.
La mort de la possession
Le Paris-SG, c'est la tenue du ballon, partout et en toutes circonstances : l'entraîneur Laurent Blanc parle depuis le début d'une «philosophie», qui consiste en gros à assumer la possession du ballon et à diriger le jeu plutôt que d'attendre patiemment comme l'Indien que l'adversaire le fasse pour mieux l'estourbir en contre-attaque. A l'Etihad Stadium de Manchester, Paris a tenu la gonfle 62% du temps, un pourcentage conforme à ce qu'il montre chaque week-end en Ligue 1. Pour cinq tirs cadrés, ce qui est correct, sauf qu'il s'agissait de frappes lointaines, peu dangereuses : le sentiment d'impuissance n'aura cessé de monter au fil du match, à une dizaine de minutes (au retour des vestiaires après la pause) près.
Cette tenue du ballon n’aura ainsi servi à rien, faute de «verticalité» (on gagne du terrain au fil des passes en forçant l’adversaire à reculer) et d’explosivité (on accélère dans les trente derniers mètres) des attaquants parisiens, ce qui renvoie à un manque général d’énergie. Le prédécesseur de Laurent Blanc au poste d’entraîneur, Carlo Ancelotti, préférait voir l’équipe évoluer en contre-attaque, un style qui semble par ailleurs plus adapté aux qualités de certains joueurs offensifs comme Lucas Moura, Angel Di Maria ou Edinson Cavani. Il faut aussi comprendre que la possession est un instrument politique dont peut user un coach à l’intention de son vestiaire : si le foot est ludique et agréable quand on a le ballon dans les pieds, il devient contraignant et austère –replacement pour empêcher l’adversaire de progresser, discipline collective– dès qu’on ne l’a plus. Ainsi, la possession est une arme de séduction. Qui s’est progressivement retournée contre les Parisiens.
La mort de la gouvernance du vestiaire
Le capitaine Thiago Silva, après le match : «On n'a pas réussi à faire ce qu'on avait dit avant. On parle, on parle, mais on fait les mêmes erreurs. La tactique ? On la connaissait avant le match même si c'était la première fois que l'on jouait comme ça. Ce n'est pas une excuse. C'est juste une position. On peut jouer en 4-3-3 [quatre défenseurs, trois milieux, trois attaquants, ndlr], en 5-3-2 mais c'est nous qui faisons la différence, pas le coach ou le staff.» Blanc a surpris à Manchester en adoptant un dispositif inédit en 5-3-2, assumant après-coup la responsabilité de l'échec du système et du reste : «Je suis responsable, j'ai fait l'équipe, j'ai choisi la stratégie, les joueurs.»
T’as qu’à croire : le changement de cap tactique fut d’une telle ampleur qu’il n’y a aucune chance qu’il ait été le seul décideur sur le plan stratégique, tout le monde sachant bien par ailleurs qu’il n’a pas le pouvoir d’écarter certains joueurs sans déclencher une tempête que les propriétaires qataris lui reprocheraient à lui avant de la reprocher aux autres. Dans le meilleur des cas, il l’a suggéré aux stars du vestiaire, qui ont validé. Dans le pire, il se l’est fait imposer. Quoi qu’il en soit, ses déclarations post-match sont destinées à montrer à ses joueurs et ses dirigeants qu’il a les épaules larges.
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Après, il peut y avoir beaucoup d’explications au big bang tactique de Manchester. Une première : faire rentrer au chausse-pied tous les cadres –et les copains des cadres– de l’équipe, ce qui revenait à écarter le milieu Benjamin Stambouli, par exemple. Une deuxième : éviter de mettre Angel Di Maria au milieu de terrain (ce que la suspension de Blaise Matuidi et la blessure de Marco Verratti imposaient si l’on ne veut pas de Stambouli pour autant, on y revient) pour le laisser en position haute, la finesse technique de l’Argentin pouvant faire basculer les matchs. Une troisième : le camp parisien a diagnostiqué que dans leur 4-3-3 classique, ça ne passait pas, ce qui explique qu’il ait fait rouler les dés –un aveu d’impuissance, en gros. Une quatrième : etc.
La mort d’une équipe
Les joueurs parisiens ont couru 98 kilomètres à l’Etihad Stadium mardi : c’est 11 de moins que la moyenne enregistrée par toutes les équipes durant cette Ligue des champions 2015-2016, et 6 de moins que la moyenne du Paris-SG sur cette même période. On peut prendre le foot par tous les bouts mais on en revient toujours à la base : c’est un sport où il faut courir. Cette déchéance physique a contaminé le domaine technique, comme c’est l’usage : en première période, le Paris-SG a perdu 80 ballons, ce qui est son total le plus important en Ligue des champions depuis que les Qataris ont repris le club en 2011. Ça dit l’usure de l’effectif, ce qu’un coup d’œil sur la feuille de match –34 ans pour Maxwell, 31 ans pour Thiago Silva, 34 pour Zlatan Ibrahimovic, 33 pour Thiago Motta– disait déjà, tout comme le fait que l’équipe est sortie pour la quatrième fois de suite au même stade de la compétition. Le chantier est ouvert. Il est considérable.