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Libération
Trajectoire

Pourquoi l'OM n'a pas vraiment raté Riyad Mahrez

Le brillant milieu de Leicester, élu dimanche joueur de l'année en Angleterre, avait été proposé il y a deux ans à Marseille qui n'en avait pas voulu.
Riyad Mahrez, milieu de Leicester city, lors de la victoire sur Swansea dimanche. (Photo Ben Stansall. AFP)
publié le 25 avril 2016 à 14h33
(mis à jour le 25 avril 2016 à 19h06)

Dimanche, Riyad Mahrez, 25 ans, a été élu joueur de l’année en Angleterre, le championnat le plus relevé du monde. Une trajectoire exceptionnelle, de Sarcelles au sommet de la Premier League avec Leicester. Tout cela sans passer par la Ligue 1. Comme c’est l’année de l’Olympique de Marseille, Vincent Labrune, son président, en prend plein les dents sur les réseaux sociaux. Par des anonymes, des observateurs, des journalistes, qui déterrent «LE» dossier ultime.

Alors que Mahrez lui avait été proposé à l'hiver 2014, Labrune avait envoyé un mail plein de condescendance aux conseillers du joueur : «Pensez-vous réellement que des joueurs de Leicester peuvent aujourd'hui avoir leur place à l'OM dans le projet qui est le nôtre ?» Disons que dans ce cas-ci, employer le terme «projet» - l'OM bricole depuis des années - est bien plus choquant que d'avoir raté le Franco-algérien à ce stade de sa carrière. Car celui qui voyait Mahrez exploser au plus haut niveau, de manière si spectaculaire, doit vite monnayer son flair.

A l’hiver 2014, le milieu offensif est un quasi-anonyme. Un bon joueur de Ligue 2 avec Le Havre, très intéressant mais pas impressionnant, qui finit par s'engager avec Leicester (alors en deuxième division) pour 500 000 euros. A l'époque, personne n'avait trouvé le transfert scandaleux, du genre «oh, réveillez-vous les amis, on perd un magicien-là». Personne. Foot fiction (à peine) : si Labrune l’avait fait signer, personne ou presque n’aurait compris, quelle que soit sa justification.

L'OM n'avait rien à lui offrir

Le Mahrez dont il est question cette saison est une histoire d’osmose. Un jeune techniquement doué, mis dans les conditions idoines. Par un excellent entraîneur, Claudio Ranieri. Par des coéquipiers impressionnants de justesse et d’intelligence et par l’euphorie de l’épopée - son club est en passe de devenir champion d’Angleterre.

Non pas qu’il faille minimiser les performances individuelles magistrales du milieu offensif : ses buts (17), ses passes décisives (11) et ses gestes techniques, tellement fluides qu’on croirait qu’il les a inventés. Mais à ce niveau, même le dribble relève de l'oeuvre collective. Pour pouvoir oser à chaque match et avoir la confiance nécessaire, il faut des coéquipiers capables d’aller au charbon en toutes circonstances. De créer les espaces, faire gamberger au possible l’adversaire et rattraper le coup si d'aventure, un petit pont ou un crochet foiraient.

En réalité, Leicester joue le football le plus altruiste qui soit. Un budget moindre - deux à trois fois inférieur aux gros bras du championnat anglais -, mais une application quasi-parfaite des fondamentaux du ballon : dans cette équipe, chacun doit quelque chose à l’autre. Ce qui rend les récompenses individuelles plus symboliques qu’autre chose - meilleur joueur de Premier League ou même Ballon d'Or - et inspire une conclusion plus sage : très peu de clubs pouvaient offrir à Mahrez un tel espace d’expression. Et sûrement pas l’Olympique de Marseille.