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Libération
EDITORIAL

Suspicions

Publié le 01/06/2016 à 20h31

Sur le fond, rien ne permet de dire que Didier Deschamps est raciste et même tout prouve le contraire. Alors pourquoi ce sentiment de malaise persistant ? Quand on lit l’interview qu’Eric Cantona nous a accordée pour revenir sur ses propos qui ont mis le feu aux poudres, on se dit que le problème va bien au-delà du cas Karim Benzema. Nier ce malaise, ce serait accepter de faire comme si de rien n’était, faire comme si l’affaire des quotas de 2011 n’avait laissé aucune trace. Comme si les récents débats sur la déchéance de nationalité ne creusaient pas un peu plus une fracture bien réelle. Le symbole d’un Zinédine Zidane, premier joueur et entraîneur français à gagner la Ligue des champions, cache une autre réalité, le bruit de fond d’une jeunesse à qui on ne donne aucun signe qu’elle peut se tromper dans ses conclusions, en dehors des arguments d’autorité… Le mythe de la Coupe du monde 98 n’est plus qu’un souvenir lointain à regarder comment les instances dirigeantes du foot ou le milieu des entraîneurs de Ligue 1 restent un domaine fermé à la diversité. Cette absence d’ouverture crée les conditions d’une suspicion dans laquelle s’engouffrent toutes les interprétations possibles. Et si les politiques ou les intellectuels continuent d’intervenir pour donner leur avis pour tout ce qui touche à l’équipe de France et en faire un enjeu d’exemplarité, comment convaincre que les décisions sont bien prises dans un cadre purement sportif, en dehors de toute pression et de tout calcul ? Autrement dit : si les politiques ne s’étaient pas emparés du cas Benzema, il aurait été plus facile pour Didier Deschamps de rester sur le terrain du sport. Et aujourd’hui, dans les vestiaires et au café du commerce, on ne parlerait que de cette défense qui prend l’eau.