Le 14e rematch de l'histoire était attendu depuis un an et la victoire (4-2) des Golden State Warriors sur les Cleveland Cavaliers. Après avoir triomphé des embûches semées par ses adversaires, surtout ceux originaires de l'Oklahoma, les Californiens ont rejoint les Ohioans qui, eux, ont eu un parcours plus facile – ou qui ont su se le faciliter. Après la victoire (104-89) des Warriors lors du premier match, retour sur les quatre revanches que cette finale génère.
La revanche des Cavs face aux Warriors
Ce n'est pas rabaisser la performance de Golden State l'an dernier que de dire que Cavs et Warriors ne partaient pas à armes égales. Sur le papier, on avait deux des meilleurs effectifs de la Ligue, deux entraîneurs, David Blatt et Steve Kerr, dont c'était la première année en NBA et un bon bilan en saison régulière comme en play-offs. Malgré tout, les absences sur blessure de Kevin Love et Kyrie Irving (qui avait, lui, joué le match 1) ont déséquilibré la finale. L'exceptionnelle performance de LeBron James comme la bonne défense de Matthew Dellavedova n'ont pu que retarder le sacre du brillant collectif californien.
Surtout, a posteriori, on se dit que le coach américano-israélien David Blatt avait réussi une excellente finale et était parvenu à réaliser des ajustements enrayant la belle machine or et bleu. Problème, Blatt a été viré en janvier alors que les Cavs étaient en tête de la Conférence Est, et remplacé par son assistant Tyronn Lue. Ce dernier sera-t-il capable d'adapter le jeu des Cavs en attaque comme en défense ? Après le premier match, qui a vu Golden State battre Cleveland dans tous les secteurs du jeu, y compris dans sa défense contre LeBron James, il y a en tout cas urgence si l'équipe de l'Ohio veut prendre sa revanche et obtenir le premier titre de son histoire.
La revanche de LeBron James face à l’histoire
Sans qu'on sache vraiment pourquoi l'affaire est montée de la sorte entre les matchs 1 et 2, le bilan de «2-4» de LeBron James en finale NBA fait, ces derniers jours, intervenir le monde du basket, anciens joueurs comme éditorialistes de la balle orange. Sur les 6 finales jouées par le natif d'Akron, il en a en effet gagné deux (avec Miami, en 2012, contre le Thunder et en 2013 contre les Spurs) et perdu quatre (avec Cleveland, en 2007, contre les Spurs et 2015 contre les Warriors, et, avec Miami, en 2012 contre Dallas et 2014 contre les Spurs). C'est loin des 6-0 de Michael Jordan, 5-2 de Kobe Bryant ou 11-1 de Bill Russell.
Cette sixième finale de suite pour le King est donc essentielle pour ne pas garder cette réputation de loser magnifique, joueur surpuissant mais qui n'arrive pas à faire gagner son équipe. Que cette assertion soit justifiée ou non au regard de ses adversaires, du talent ou non des lieutenants qui l'accompagnent, voire d'une part de réussite. Ce 2-4 est aussi le bilan en finales de Wilt Chamberlain, l'homme aux 100 points en un match. Un joueur que le qualificatif de loser accompagne rarement.
Membre du staff des Golden State Warriors, la légende Jerry West, sélectionné par les Lakers en 1960 quelques semaines avant le déménagement de la franchise de Minneapolis à Los Angeles, a réfuté l'importance du bilan en finale de LeBron James : «C'est la chose la plus ridicule qui soit. Si j'étais lui, j'aimerais étrangler [ceux qui disent cela]. Il a toujours porté ses équipes sur ses épaules. […] J'aimerais qu'on le laisse tranquille.»
A la lumière du bilan personnel de West, la réflexion prend une tout autre saveur : Mr. Clutch a perdu ses sept premières finales avant d'en gagner une, en 1972. Pour un bilan de 1-8 à la fin de sa carrière, deux ans plus tard. Jerry West a tout de même une particularité : c'est le seul joueur à avoir remporté le titre de Most Valuable Player en finale alors que son équipe a perdu. Une exception dont il était d'ailleurs question l'an dernier pour LeBron James. Et un trophée potentiel qui n'effacerait pas la douleur du King si une défaite advenait cette année encore.
La revanche des Warriors face aux play-offs
C'est un euphémisme que de qualifier de poussives les phases finales des Golden State Warriors. Certes, leur parcours sur le papier peut sembler dire le contraire : victoire 4-1 face aux Houston Rockets, qualification sur le même score contre les Portland Trail Blazers et victoire (4-3) contre le Oklahoma City Thunder, troisième meilleure équipe à l'Ouest et tombeur des San Antonio Spurs, dont c'était la meilleure saison de l'histoire.
Pourtant, à y regarder de plus près, la situation était bien différente. Les Texans, d'abord, n'ont cette saison d'équipe que le nom, le numéro de soliste du génie James Harden, la non-implication du pivot Dwight Howard et les errements défensifs ont fait de ces Rockets une proie facile. Contre les Orégonais, présents à ce stade notamment grâce aux blessures des joueurs des Los Angeles Clippers, le match-up entre ces deux équipes était certes plus compliqué pour les Warriors, mais l'excellent duo Damian Lillard CJ McCollum n'a pu tenir la distance. Et face au Thunder, les Warriors ont tout simplement réalisé un exploit : être la dixième de l'histoire à revenir d'un déficit de 1-3 en finale de conférence.
Les critiques qui ont fusé pendant les play-offs des Warriors ont été tranformées en force par les champions en titre. Sur le plateau de Inside the NBA après la victoire des Californiens, le meneur de jeu de Golden State, Shaun Livingston, faisait aussi comprendre que la différence entre les Warriors et les Cavs étaient que les premiers étaient déjà dans le rythme de la finale au vu des difficultés surmontées contre le Thunder. Et, comme l'ont suffisamment répété tous ceux qui ont voulu rabaisser le bilan record de 73 victoires pour 9 défaites en saison régulière, sans un titre à la fin, cette saison laisserait un goût d'inachevé. Sortir vainqueur de ces play-offs devient donc une mission pour l'histoire, celle de la plus grande saison jamais réalisée en NBA.
La revanche d’Anderson Varejão face aux Cavs
En février, le Brésilien Anderson Varejão était poussé vers la sortie de sa franchise de toujours – il est arrivé en 2004 dans l'Ohio –, Cleveland, afin de faire de la place pour Channing Frye. Quelques semaines auparavant, le pivot de 33 ans, sorti de la rotation par l'entraîneur, déclarait pourtant : «Si je vais n'importe où ailleurs et que je deviens champion, cela ne sera pas la même chose. Je veux le devenir à Cleveland. C'est ici que je veux rester. J'aime Cleveland.» Les dirigeants de Cleveland ont balayé cette déclaration d'amour et le joueur signait aux Warriors dans la foulée de la venue de Frye.
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A Golden State, il joue certes moins de neuf minutes par match en moyenne depuis son arrivée. Mais Steve Kerr sait comment utiliser son énergie, en sortie de banc, dans un secteur intérieur qui n'est pas le point fort des Californiens. Surtout, on n'imagine pas un seul instant que les Warriors n'ont pas eu dans l'idée, en le signant, de lui demander le détail des systèmes de jeu des Cavaliers et des craintes et points faibles de ces derniers.
En tout cas, c'est la première fois qu'un basketteur joue la même saison pour les deux équipes en finale. Une exception qui entraîne une incongruité : peu importe qui gagne, il sera champion et glanera une bague, symbole du succès final en NBA. Quand on a demandé à Varejão s'il accepterait un trophée venant de Cleveland, il a refusé de répondre : «Là, je suis concentré sur cette série. Et nous essayons de les gagner. […] Maintenant, je suis ici. Je suis un Warrior.» Quand il est rentré sur le terrain vendredi, il a apporté sa pierre à l'édifice avec sa combativité habituelle. Mais Kevin Love et LeBron James ont peu goûté son apparition, l'accusant de flopping («simulation»). Le divorce entre le Brésilien et les Cleveland Cavaliers semble consommé. Et cette autre possible revanche de se matérialiser.