En théorie, la rencontre Slovaquie-Galles n'est pas la plus alléchante de cette phase de poules, surtout quand, au même moment, les supporters anglais ambiancent le vieux port de Marseille. Les deux pays réunis sont plus petits que la région Nouvelle Aquitaine qui accueille la rencontre, à Bordeaux, et à peine plus peuplés. Et ils ne sont pas non plus des habituées des grandes compétitions. On n'avait pas vu de Dragons rouges à ce stade depuis la Coupe du Monde 1958 et une élimination contre le Brésil en quarts, tandis que la jeune Slovaquie avait poussé jusqu'en huitième en Afrique du Sud, en 2010, sortant tout de même l'Italie au premier tour.
Mais c'est ce qui fait aussi le charme de ce genre d'événement, permettant, à des seconds couteaux qui ne joueront jamais la Ligue des champions ou même la Ligue Europa, de se trouver en pleine lumière. Forcément, du coup, la fonction dépasse l'homme. «Ensemble, nous sommes plus forts», nous explique la chanson rock des Manic Street Preachers pour les Gallois, résonance au beau et imprononçable «Gwlad! Gwlad! pleidiol wyf i'm gwlad», «Patrie ! Patrie ! Je suis fidèle à ma patrie», du Hen Wlad fy Nhadau, l'hymne national.
«N'oublions pas Gary Speed», continue le tube. Car, en bon peuple celtique, il y a une tragédie derrière tout ça. En 2011, l'ancien milieu de Newcastle, nommé entraîneur un an plus tôt, a été retrouvé mort chez lui. «Il est toujours dans mes pensées, pas seulement pendant l'Euro. Et je suis sûr qu'il est avec nous, qu'il est fier et qu'il se réjouit», dit son successeur, Chris Coleman. Evoquer régulièrement sa mémoire est une manière de rappeler qu'il y a plus important que le football, mais qu'aussi, ce n'est qu'ensemble qu'on n'y arrivera. Ce qui est plus ou moins vrai. Si la méga star, Gareth Bale, l'attaquant du Real Madrid, se plaît à rappeler qu'il fait partie d'un tout, d'une équipe et qu'il est content comme un enfant d'être là, sans lui, les Gallois n'en seraient sans doute pas au même point. Il a marqué sept des onze buts de son équipe en qualif.
Après lui et Ramsey, le milieu d'Arsenal, ça sent bon le fond de tableau de Premiere league et la deuxième division anglaise, l'herbe grasse et les dimanches pluvieux. Des gars vaguement titulaires à Liverpool (Joe Allen et son amour immodéré des poules), Crystal Palace, Swansea, West Ham ou même Reading, 17e de Championship, qui fournit deux titulaires dont le sympathique mais peu performant Robson-Kanu, trois buts seulement en D2 cette année. Le tout est solidaire et donc solide, prend peu de buts et n'est pas stressé pour un sou par l'entraîneur Chris Coleman. Il a déchargé la pression sur son équipe cette semaine, entre l'annonce d'une cousinade avec la fédé bretonne et des moqueries contre les Anglais (les deux nations britanniques s'affrontent jeudi 16 à Lens pour un match qui devrait être, en termes de chants, la plus belle rencontre de la compet.)
Joueurs de devoir
En face, c’est à peu près la même histoire, en, selon nous, plus fort. Une star, Marek Hamsik, 28 ans, milieu offensif de Naples capable de passes lumineuses et de marquer. Plus une flopée de joueurs de devoir, pas impressionnables pour un sou, avec, en symbole, le défenseur central Skrtel, 300 matchs tout de même pour Liverpool, poète découpeur s’il en est, et Kucka, déboucheur de toilettes du milieu au Milan AC. Sinon, ça joue en Allemagne, en Russie, en Grèce ou même au Qatar, sans oublier un représentant du championnat local, Pečovský, pour faire bien.
Moins poétique que les moutonneries galloises, c'est aussi sexy que le bryndzové halušky, le plat national à base de quenelles de pommes de terre au fromage de brebis et du bacon, copieux et vite roboratif pour les équipes adverses. Il y a deux semaines, sous le déluge, une équipe d'Allemagne remaniée s'est noyée 3-1 à domicile contre les Slovaques, bien portés par une frappe magnifique d'Hamsik. Preuve, s'il en est, qu'il ne faudrait pas les mépriser. «Notre Slovaquie a jusqu'ici profondément dormi. Mais les éclairs du tonnerre vont la pousser, pour qu'elle se réveille», nous dit leur hymne national et il serait avisé de la croire. Ou, dans le même genre, comme a affirmé le coach Jan Kozak, roublard: «Je ne demanderai pas l'autographe de Bale, c'est lui qui voudra le mien à la fin du match.»
Le prono: 1-1. But rapide de Bale mais sur une boulette du gardien gallois, Kucka égalise.
L'action du match: Furieux que Hamsik se soit encore moqué du fait qu'il joue à Zilina, jolie ville perdue de Slovaquie, et qu'il soit «pauvre», Viktor Pečovský, pour passer ses nerfs, découpe Aaron Ramsey. Carton rouge pour lui, six mois d'arrêt pour le Gunner. Wenger crie au complot.
Les infos utiles: Groupe B. Pays de Galles-Slovaquie, à Bordeaux, 18 heures, diffusé sur beIN Sports 1.